Le weblog de Philippe Heymann

LE FAR-WEST DE L'E-INFLUENCE !

Les exemples se multiplient pour nous montrer que, désormais, avec le web et le web 2.0, l'impact de la communication n'est plus forcément lié à la taille de l'audience à laquelle on s'adresse. Le cas le plus spectaculaire récent est évidemment l'affaire Bettancourt : il suffit que le site Mediapart sorte une info pour que ce soit repris partout. Mais, après tout, cela s'assimile encore à des Relations Presse !

Mais regardons l'univers des blogs : je connais plusieurs cas où un blogueur unique et solitaire (parfois même un retraité...) est devenu la personne la plus "écoutée" pour ce qui concerne un domaine entier qui, de fait, "appartient" à une grande institution ou même un Ministère. La tentation est alors grande, pour cette institution, de s'appuyer sur ce blogueur et  de s'attacher ses faveurs...

Les règles du jeu ne sont pas encore claires dans ce domaine ! J'ai entendu une grande agence proposer, face à un tel cas, de "nouer un partenariat" (le cas échéant avec financement) avec l'intéressé. Cela s'appelle pudiquement de l'"e-influence". Ses modalités peuvent être multiples : le rencontrer, l'inviter à visiter ou à faire un voyage dans sa sphère d'intérêt etc etc, j'en resterai là ! On en est tout à fait au Far-West qui a pu précéder une certaine codification des règles éthiques  qui existent maintenant très largement dans le domaine de la presse et dans les relations avec les journalistes. Sauf que ces derniers ont en général un employeur qui les rémunère en fin de mois, les rendant ainsi moins vulnérables....

 

Bref, ce n'est qu'un début et, inévitablement, les abus, les dérapages et les compromissions ne manqueront pas. Et les professionnels (en l'occurence certaines  agences de com et certains spécialistes d'internet) sont les premiers, avides de convaincre et gagner des clients et des budgets,  à proposer des solutions que l'on peut considérer comme "limites"... C'est évidemment le propre d'un Far-West mais les organisations professionnelles devraient peut-être prendre l'initiative de proposer certaines règles. Et si , une fois de plus, elles ne le font pas, qu'elles ne s'étonnent pas si, demain, c'est un législateur ou un régulateur qui le leur impose !

 

OUI, ERIC ZAJDERMANN A REBONDI...

Dans mon blog du 13 janvier, j'avais parlé du départ d'Eric Zajdermann - un des "pères" de la com. corporate -  de Lowe Strateus dont il était président, en disant qu'il allait rebondir... Eh bien, c'est fait : il n'a pas traîné et a repris, il y a quelques mois, le contrôle de l'agence Anatome, une agence plutôt corporate travaillant beaucoup en région avec ses bureaux à Montpellier, à Marseille et à Lyon. Et EZ rêve d'une "revalorisation de la communication publique"... Et il est de ceux qui peuvent l'apporter !

Je note déjà, dans son projet, quelques "indicateurs" nouveaux :

> c'est une agence qui a des bureaux en province; or, c'est vrai, la communication "publique" a grand besoin de professionnalisme du côté des villes, des régions et de plein d'établissements publics , avec des communicants qui ne soient pas des "parisiens"...

> Zajdermann veut donner à son agence une "architecture ouverte" et y faire travailler, selon les cas, les meilleures compétences extérieures sur des aspects pointus : le digital, l'influence web, la vidéo etc . Le  temps où une agence peut être en permanence à la pointe de tout est , c'est vrai, bien révolu !

> à l'agence est "accolée" la galerie Anatome qui a pour vocation la promotion et l'exposition en France du graphisme contemporain. Bravo !

Tout cela est plutôt  de bonne augure !

VERS DES DIRCOM DE LA COMMUNICATION DU CHANGEMENT ?

Nous avons tous conscience que les mutations derrière nous ne sont rien face aux bouleversements à venir, et que les dirigeants d'entreprises doivent gérer plus que jamais cette complexité du changement.

Je parlais ces jours derniers avec Caroline Vallas, l'ex-patronne du corporate chez DDB et qui vient de quitter le poste VP DG de l'agence Ligaris ... bref, une sacrée expérience de la com. corporate et institutionnelle .  Elle a une vision très stimulante de l'évolution de la com dans les entreprises et institutions. Et je reprends là quelques-uns de ses propos :

"Évolutions sectorielles et sociales, contraintes réglementaires et RSE, rapprochements d’entreprises, exigences des marchés, des citoyens et des clients, entreprises et institutions sont soumises à un rythme d'évolution accéléré. Dans leur rôle de « catalyseur du changement », les dirigeants ont besoin de limiter les risques, de faciliter l’appropriation d’un nouveau projet, d’inciter managers, citoyens, collaborateurs et partenaires à accueillir favorablement le changement.
"Vaste sujet qui bouleverse les organisations, les fonctions... et la communication. Pour dominer et communiquer le changement, les entreprises de demain (celles du privé comme celle du public) revisitent déjà la classique fonction du « DirCom » : elles sont en attente d’une Direction de la marque et de la stratégie plus pertinente dans l’installation de la relation, et elles recherchent un pilotage expert en communication du changement. "

Et elle est convaincue que l'on s'achemine vers une nouvelle fonction stratégique de "directeur de la communication du Changement »  : pour  répondre aux besoins d'entreprises privées ou para-publiques en mutation ou d'institutions en profonde évolution qui ont toutes besoin d'agilité et d'adaptation permanente de leur stratégie aux nouvelles exigences de tous leurs publics. 

Je partage assez son analyse. Et un boulot énorme est devant nouveau . Mais, comme d'habitude, ... à quel rythme ?
 

AMAZON, CARREFOUR ET LES AUTRES : A QUI LA PALME DE L'ATTRACTIVITE ?

Etonnant paradoxe dans l'étude réalisée par le cabinet OC&C sur l'attractivité de 289 enseignes présentes dans six grands pays dont la France : c'est Amazon , qui n'a aucun "magasin", qui arrive nettement en tête et se classe premier en Allemagne, au Royaume Uni et aux Etats-Unis. Il est vrai que les critères jouent en sa faveur : avoir fréquenté l'enseigne au moins une fois durant les six mois précédents, la largeur de l'assortiment, , la qualité et l'adéquation des produits aux besoins, le service ainsi que l'atmosphère du magasin...

En France, c'est Picard qui arrive en tête, devant IKEA puis Sephora/Decathlon/ Amazon . Et Vente-privée arrive 6ème, eBay 11ème et Cdiscount 19ème loin devant des enseignes comme Auchan(23ème), Lero-Merlin(24ème)  ou Carrefour 30ème.

Ceci est d'autant plus intéressant que le débat sur l'avenir de la distribution est rouvert... Carrefour est ainsi en train  de reconcevoir entièrement ses hypers avec deux  exemples ouverts en région lyonnaise. Dans le dernier numéro de Stratégies, Olivier Saguez (l'homme qui a notamment conçu le Lafayette Gourmet), s'interroge sur le nouveau concept Carrefour : pour lui, ce n'est pas en multipliant les services et le "plaisir" que les hypers assureront leur avenir ; à ses yeux, leur vertu primordiale reste la rapidité des achats surtout alimentaires et le prix ... Le débat  va se poursuivre , une fois de plus !

 

LA REMISE EN CAUSE DES DIRECTEURS MARKETING !

Le dernier numéro de Stratégies (numéro 1600 du 9/09/2010)  publie un intéressant papier de Gilles Wybo à partir d'une récente étude menée par Accenture auprès de 400 professionnels dans le monde entier. Selon cette étude, la crise aurait eu pour conséquence de remettre en cause le règne, pour ne pas dire la "dictature", du marketing puisque, là aussi, les budgets auraient été fortement rognés !

Mais l'étude constate surtout qu'un concept nouveau et plus large est en train d'émerger : celui de "directeur de l'expérience client" ou de la "stratégie client". Le constat : dans de nombreux groupes, le marketing est largement éclaté entre directions , divisions ou filiales produits/activités ; il faut donc remettre le client au coeur de l'entreprise .... et redonner de la cohérence à l'ensemble ! Voilà une évolution dont on ne peut que se féliciter ; mais, après tout, c'est bien aussi une large part du rôle du "corporate" que de donner cette cohérence ( il a généralement la responsabilité de "la marque")  et pas seulement par rapport au client : la vraie cohérence à rechercher , n'est-ce pas celle du "triangle" clients- salariés - actionnaires - société ?

LE MONDE CHOISIT....QU'ON LUI FICHE LA PAIX !

Je ne connais pas les dossiers déposés par les deux "groupes" candidats à la reprise du Monde  et  leurs qualités respectives et  je ne suis ni salarié ni journaliste du Monde (même si j'ai été quinze ans journaliste !)... Mais deux choses me frappent dans le choix des salariés du quotidien en faveur de "Bergé-Pigasse-Niel" :

> d'abord ce sont ceux qui, par rapport à Perdriel, Prisa et Orange pour le net, s'y connaissent le moins en matière de presse.  Même Pigasse qui, s'il est un banquier brillant, n' en a qu'une expérience plutôt récente avec les "Inrockuptibles"....Les équipes auront beau jeu de le leur faire sentir en permanence, de les reléguer dans "la finance" et de s'envelopper dans leur "professionnalisme presse"...

> ce sont ceux que l'interventionnisme politique a finalement, a contrario, jeté dans les bras de la rédaction !

Après cela, on s'étonne que la France n'arrive à faire émerger de grands groupes de presse indépendants du monde des affaires et se retrouve dans le giron  de Bouygues,  Lagardère, Pinault, Arnaud ou Bolloré. Autant de groupes qui, à un moment ou un autre, comme les années passées l'ont montré,  s'embarrassent  finalement encore moins, quand leurs "intérêts supérieurs " sont en jeu,   de l'indépendance des rédactions...Bonne chance (sincère) aux équipes du Monde !

SEULEMENT SIX MARQUES FRANCAISES DANS LES 100 PREMIÈRES MONDIALES !

Millward Brown vient de publier son classement annuel des marques. Peu de changements majeurs mais surtout des confirmations  intéressantes :

> les quatre premières marques mondiales sont des marques "informatiques/internet" : Google, IBM, Apple et Microsoft. La performance IBM est ici remarquable au milieu de ces trois "nouveaux venus" ! Cette "vieille" marque a ainsi parfaitement eéussi sa mue de constructeur de machine à inventeur et fournisseur de solutions et de services : un bien joli cas d'école même s'il m'arrive d'être un peu critique sur ses campagnes de pub !

> Ceux qui grimpent vite sont sont évidemment ceux qui "innovent" : Starbucks, Nspresso, Redbull. Or, là, rien de technologique mais de l'innovation produit et marketing. A méditer aussi !

> Si elles perdent un peu de terrain, Coca-Cola et McDonald's restent 5 et 6ème. Pour des "vieilles" marques qui, en plus, étaient encore , il y a peu, assimilées à la "maudite" société de consommation US, c'est une sacrée performance. Et ce n'est sûrement pas fini : regardons donc ce qui se passe en Chine !

> La première marque française (Louis Vuitton) n'est que ... 29ème ! On a aussi carrefour (42ème), L'Oréal (49ème), Orange (50ème), Hermés (86ème) et Auchan (96ème). Pour des produits de luxe comme Vuitton ou Hermés, c'est plutôt pas mal ; mais, pour L'Oréal, ... pourrait mieux faire. Et ... six sur 100, c'est quand-même un peu maigre !

REGIE PUBLICITAIRE DE FRANCE TELEVISIONS : LES PUDEURS DU MONDE SUR LES CONFLITS D'INTÉRÊTS !

Le Monde d'hier soir consacre un solide article aux conflits d'intérêts éventuels de Stéphane Courbit, producteur TV et possible régisseur de la publicité de France Télévisions.

Mais, curieusement, aucune allusion à l'autre éventuel conflit d'intérêt concernant le groupe Publicis à la fois actionnaire de média, centrale d'achat d'espace, agence de publicité et ... régisseur de plusieurs media (Bolloré  et Lagardère notamment sont exactement  dans la même situation). Or c'est en particulier sur cet aspect là que certains publicitaires se sont exprimés avec force !

 

Bizarre ce silence du Monde ? Peut-être... mais souvenons-nous que Publicis détient depuis plusieurs années , si je ne me trompe, 50% de la régie publicitaire du Monde et que le dit quotidien n'y a vu ... aucun conflit d'intérêt ! 

COMMENT LES AGENCES INTEGRENT VRAIMENT INTERNET...

Les agences de com., et notamment les groupes, ne tarissent pas de discours expliquant que, désormais, Internet est totalement intégré dans leurs structures et "au coeur" de leur dispositif. Voire ...

TBWA France confirme, lui aussi, cette stratégie  et .... annonce aussi hier la création de TBWA 365, "l'agence 100% web du groupe TBWA" comme titre Le Figaro ! Voilà donc que, au-delà de la tarte à la crème du 360, on passe maintenant au 365 !

Allez-y comprendre le changement... Dans le cas présent, on explique que l'ex-Tequila a été supprimé et que, pour prendre en compte les nouveaux impératifs du Web 2.0,  ses effectifs ont été rééclatés entre l'agence-mère et ... TBWA 365. Pour être capables de concourir en face des "pure players"....

Si je comprends bien :  oui, désormais, les équipes des "agences-mères" savent qu'Internet existe, qu'il faut lui faire une part croissante dans les budgets  ( c'est douloureux mais incontournable), que le planning stratégique doit réellement intégrer le web et que la création "publicitaire" doit avoir une réelle cohérence entre ce que l'on fait pour la Télé, la Radio ou le Print et ce qui se passera sur le Web. Bon , c'est une formidable évolution, du même type que celle apparue antérieurement pour l'Edition ou pour l'Evénement . Et ensuite ?

Ensuite, dans le même article, je lis que , chez TBWA 365, on a recruté, comme associée, une Directrice de la création...

Tout cela est parfaitement clair et le schéma est à peu près le même dans les autres groupes ! Croyez-moi, Internet est désormais intégré au coeur des stratégies et des agences....

REBELOTE SUR LES CONFLITS D'INTÉRÊTS DE PUBLICIS

Après le président de TBWA (voir ma note du 6 Février sur le même sujet), c'est Hervé Brossard, président de la centrale d'achat d'espace OMD et âme du groupe DDB en France , qui se paye même de l'espace publicitaire dans la presse pour s'inquiéter des conflits d'intérêts de Publicis, agence/acheteur d'espace/régisseur. Il est vrai que, faisant partie du même groupe Omnicom que TBWA, il ne pouvait guère rester muet sur le sujet...

Je me réjouis que la profession réagisse mais deux choses me frappent dans la réaction d'Hervé Brossard :

1- il a été plein d'années président de l'AACC, l'organisation professionnelle des agences de pub et de com; or, je ne l'ai jamais jusqu'ici entendu  s'étonner que Publicis puisse être par exemple le régisseur de pub du quotidien Le Monde ou que Bolloré puisse être à  la fois agence/acheteur

d'espace/propriétaire de supports...  Mais je n'"ai évidemment pas lu tous ses discours. Et il est vrai que la bataille est nettement plus féroce entre groupes publicitaires sur les tarifs TV et les emplacements TV que pour la presse écrite. Mais, me semble-t-il, le problème n'est pas différent sur le fond !

2- Hervé Brossard, prudent !, se garde bien de trop provoquer Maurice Lévy de Publicis et ne demande pas  l'interdiction de cette confusion des métiers. Il prône plutôt  l'installation de toute une série de règles techniques visant à empêcher les excès et contrôlées par exemple par le CSA. Bon ! Sauf que ce qu'il propose est tellement compliqué à  mettre en place et à contrôler que ce serait totalement inopérant et il le sait bien. Comme HB est quelqu'un d'intelligent,  je ne peux donc qu'en déduire que cela n'est que du vent pour faire semblant de ....Bref ..... !