Le weblog de Philippe Heymann

L'E-REPUTATION DES PATRONS DU CAC 40 : JUSQU'OU ALLER ... ?

L'agence de RP Hopscotch vient de réaliser une étude sur l'e-reputation des patrons du CAC 40. Selon ses conclusions, les moins bien classés seraient ceux qui n'ont ni leur bio ni un blog visible sur le site de leur entreprise...

Je trouve cette conclusion un peu hâtive et même très discutable . Va pour la bio du PDG ou, à tout le moins un résumé : il est plutôt normal que ceux qui cherchent des infos sur l'entreprise sachent un peu d'où sort et d'où vient son patron.

En revanche, il n'est pas évident du tout qu'un patron d'une grande société cotée doive tenir un blog sur son site : un blog n'a de sens que s'il est fréquent et que s'il est "personnel" et peut avoir une certaine liberté de parole . Or, c'est clair, le patron d'une entreprise cotée n'a pas une vraie liberté de parole quand il parle de son entreprise ou de son environnement politico- social, surtout s'il faut qu'il en parle plusieurs fois par semaine. Et, si c'est pour parler de la pluie et du  beau temps ( ou du dernier roman policier qu'il a lu pour reprendre l'une des passions du PDG d'une grande banque cotée), alors aucun intérêt et certainement pas sur ce site...

Je m'étonne qu'une agence de RP de qualité puisse aboutir à une conclusion de ce type !

REMOTIVER SES SALARIES APRES LA CRISE ...

Le Congrès mondial des ressources humaines vient de se tenir à Montréal sur le thème : "la refonte des modes de fonctionnement des entreprises"... Un sujet d'une actualité plus que brûlante ...

Je n'en ai pas encore lu de compte-rendu mais seulement quelques approches et exemples publiés dans Les Echos  de mardi . Au niveau des intentions, rien à redire, au contraire !

Et pourtant ... les quelques exemples que l'on présente ( SNCF, Danone , Manpower, Mozart Consulting ) me laissent un peu perplexes . Car on y parle  bien de nouveaux modes de fonctionnement, de vision mobilisatrice, de changements de règles de management, d'entreprise plus "agile" etc.  etc mais ... nulle part je ne vois apparaître le mot ou le concept de "considération"  vis à vis des personnes de l'entreprise et nulle part je ne vois évoqué le  comportement des dirigeants y compris le sujet des écarts de salaires entre dirigeants et salariés....

AIRBUS S'INTERESSE A SES SALARIES : UNE BELLE INITIATIVE.

Les dirigeants d'Airbus ont décidé de lancer , auprès de leurs 50 000 salariés, une enquête sur leur perception du travail et du management dans l'entreprise.

Ceci venant après les nombreuses difficultés internes et techniques de l'entreprise, on ne peut que se réjouir de cette initiative. D'autant que le constat de départ est suffisamment rare par les temps qui courent pour qu'on le remarque : en substance,  la réussite et le redressement  de l'entreprise ne passent pas seulement par les performances financières et celles-ci ne seront durables que si le climat interne va de pair ; et, pour cela, il importe que les managers parlent plus avec leurs équipes et les écoutent.

Ce projet mérite d'être suivi avec attention car toutes les enquêtes montrent une profonde dégradation du climat dans les entreprises françaises ; et cela s'est accentué au cours des dix dernières années. Il sera intéressant de voir aussi , chez Airbus, si l'on constate des différences notables entre les personnels en Allemagne et ceux en France. Car beaucoup semblent penser que cette dégradation est infiniment plus forte en France qu'ailleurs...

A suuivre donc attentivement !

LAURENT HABIB INSTALLE "LA COMMUNICATION TRANSFORMATIVE"

Laurent Habib, le patron de Euro RSC C&O, publie ces jours prochains aux Presses Universitaires de France "La communication transformative, pour en finir avec les idées vaines". Il est incontestablement l'un des mieux placés pour réfléchir sur l'évolution de la communication. Qu'il en profite pour  se monter une belle opération d'image et de RP pour lui d'abord et pour son agence fait évidemment partie du jeu... surtout dans un groupe où les ego , les vedettes et les ambitions  ne manquent pas au milieu des Séguela (...), Fouks , Mercédés Erra et quelques autres ! Qu'il lui faille absolument , lui aussi, inventer un nouveau mot venant supplanter la "disruption" d'un Jean-Marie Dru fait également partie du jeu !

Je n'ai, pour l'instant, lu que des extraits ou commentaires de son livre. Mais, sur le fond, son approche mérite attention et notamment sa critique du modèle  dominant des "idées vaines". Et quand il considère (cf Stratégies du 23/09) que la prise en compte de l'ensemble des parties prenantes, la conduite du changement, la fin des oppositions  entre marque commerciale et marque d'entreprise sont nécessaires pour envisager une marque totale, agrégateur de la valeur immatérielle de l'entreprise, les tenants (dont je suis)  de la "communication corporate" et de la "communication de changement"  depuis un bon vingt ans ne peuvent que se réjouir. Et il est symptomatique que cette approche garde un air de neuf.... !

Il est vrai, et il a raison, que, sous couvert de "communication corporate", bien des entreprises et des institutions ont brandi plein d'"idées vaines" au lieu de se montrer telles qu'elles sont ou de chercher à évoluer en profondeur  ! Et l'opinion - en corporate comme en politique ! -  s'en rend bien compte lorsque l'on cherche a s'habiller de cotillons qui ne vous vont pas !

En l'occurence, ce n'est pas la com. corporate qui est en cause mais la façon dont beaucoup l'ont utilisée ! Il est heureux qu'un livre entier puisse aujourd'hui développer cette idée car elle n'a jusqu'à présent pas donné lieu à beaucoup d'écrits même si Dru, dans son livre d' il y a quelques années, tournait autour mais en gardant une approche très publicitaire . Il y avait eu aussi, il y a une dizaine d'années, un remarquable travail de Bernard Emsellem lorsqu'il était président de BBDP Corporate.

Souhaitons donc un vrai et grand succès à Laurent Habib et à son livre !

LE FAR-WEST DE L'E-INFLUENCE !

Les exemples se multiplient pour nous montrer que, désormais, avec le web et le web 2.0, l'impact de la communication n'est plus forcément lié à la taille de l'audience à laquelle on s'adresse. Le cas le plus spectaculaire récent est évidemment l'affaire Bettancourt : il suffit que le site Mediapart sorte une info pour que ce soit repris partout. Mais, après tout, cela s'assimile encore à des Relations Presse !

Mais regardons l'univers des blogs : je connais plusieurs cas où un blogueur unique et solitaire (parfois même un retraité...) est devenu la personne la plus "écoutée" pour ce qui concerne un domaine entier qui, de fait, "appartient" à une grande institution ou même un Ministère. La tentation est alors grande, pour cette institution, de s'appuyer sur ce blogueur et  de s'attacher ses faveurs...

Les règles du jeu ne sont pas encore claires dans ce domaine ! J'ai entendu une grande agence proposer, face à un tel cas, de "nouer un partenariat" (le cas échéant avec financement) avec l'intéressé. Cela s'appelle pudiquement de l'"e-influence". Ses modalités peuvent être multiples : le rencontrer, l'inviter à visiter ou à faire un voyage dans sa sphère d'intérêt etc etc, j'en resterai là ! On en est tout à fait au Far-West qui a pu précéder une certaine codification des règles éthiques  qui existent maintenant très largement dans le domaine de la presse et dans les relations avec les journalistes. Sauf que ces derniers ont en général un employeur qui les rémunère en fin de mois, les rendant ainsi moins vulnérables....

 

Bref, ce n'est qu'un début et, inévitablement, les abus, les dérapages et les compromissions ne manqueront pas. Et les professionnels (en l'occurence certaines  agences de com et certains spécialistes d'internet) sont les premiers, avides de convaincre et gagner des clients et des budgets,  à proposer des solutions que l'on peut considérer comme "limites"... C'est évidemment le propre d'un Far-West mais les organisations professionnelles devraient peut-être prendre l'initiative de proposer certaines règles. Et si , une fois de plus, elles ne le font pas, qu'elles ne s'étonnent pas si, demain, c'est un législateur ou un régulateur qui le leur impose !

 

OUI, ERIC ZAJDERMANN A REBONDI...

Dans mon blog du 13 janvier, j'avais parlé du départ d'Eric Zajdermann - un des "pères" de la com. corporate -  de Lowe Strateus dont il était président, en disant qu'il allait rebondir... Eh bien, c'est fait : il n'a pas traîné et a repris, il y a quelques mois, le contrôle de l'agence Anatome, une agence plutôt corporate travaillant beaucoup en région avec ses bureaux à Montpellier, à Marseille et à Lyon. Et EZ rêve d'une "revalorisation de la communication publique"... Et il est de ceux qui peuvent l'apporter !

Je note déjà, dans son projet, quelques "indicateurs" nouveaux :

> c'est une agence qui a des bureaux en province; or, c'est vrai, la communication "publique" a grand besoin de professionnalisme du côté des villes, des régions et de plein d'établissements publics , avec des communicants qui ne soient pas des "parisiens"...

> Zajdermann veut donner à son agence une "architecture ouverte" et y faire travailler, selon les cas, les meilleures compétences extérieures sur des aspects pointus : le digital, l'influence web, la vidéo etc . Le  temps où une agence peut être en permanence à la pointe de tout est , c'est vrai, bien révolu !

> à l'agence est "accolée" la galerie Anatome qui a pour vocation la promotion et l'exposition en France du graphisme contemporain. Bravo !

Tout cela est plutôt  de bonne augure !

QUAND TOUT LE MONDE DECOUVRE LE STORY TELLING....

Sous le titre "Les nouveaux codes du langage", Jeanne Bordeau, présidente de l'institut de la qualité de l'expression (!!!!), va publier ,chez Eyrolles/Edtions d'Organisation, un ouvrage où elle traite notamment du fameux "story stelling", très à la mode depuis que les communicants de Tony Blair l'ont "inventé"...

C'est peut-être mon origine journalistique qui me fait réagir mais enfin... quand-même ! J'ai toujours appris et appliqué que, pour être lu et "entendu",  y compris en communication d'entreprise, il fallait toujours raconter une histoire... Un souvenir d'ailleurs : en 1983 (il y a bientôt trente ans !), lorsque Jean-Luis Servan-Schreiber et Jean Boissonnat ont voulu célébrer les quinze ans de L'Expansion en publiant un numéro spécial sur la Révolution Industrielle, ils ont décidé que toutes les pub de ce numéro seraient des "histoires d'entreprise"... Et les Crédit Agricole, Casino et bien d'autres étaient présents !

De même, dans les années 70, Saint-Gobain s'est beaucoup investi dans, là aussi, l'histoire d'entreprise. Et que fait d'autre, chaque jour et depuis toujours, la PQR si ce n'est du "story telling" de la vie quotidienne....

Depuis longtemps , les communicants corporate savent bien que l'image passe par la "culture" de l'entreprise ; et cette culture, ce sont d'abord des gens et des histoires !  La réussite d'un journal interne (et aujourd'hui d'un magazine vidéo ou d'un site intranet) , cela a toujours été de raconter des histoires et de parler de ce que font les équipes. De même, lorsque Vuitton a été rechercher la légende du voyage pour définir et décliner  son territoire de com, c'était bien une forme de "story telling"....

Alors, oui au "story telling" mais n'en faisons pas non plus une grande découverte ! Il s'agit plutôt  d'un retour à des règles de base après certains excès de créatifs abusivement "pubards"  ou de ... communicants politiques !

VERS DES DIRCOM DE LA COMMUNICATION DU CHANGEMENT ?

Nous avons tous conscience que les mutations derrière nous ne sont rien face aux bouleversements à venir, et que les dirigeants d'entreprises doivent gérer plus que jamais cette complexité du changement.

Je parlais ces jours derniers avec Caroline Vallas, l'ex-patronne du corporate chez DDB et qui vient de quitter le poste VP DG de l'agence Ligaris ... bref, une sacrée expérience de la com. corporate et institutionnelle .  Elle a une vision très stimulante de l'évolution de la com dans les entreprises et institutions. Et je reprends là quelques-uns de ses propos :

"Évolutions sectorielles et sociales, contraintes réglementaires et RSE, rapprochements d’entreprises, exigences des marchés, des citoyens et des clients, entreprises et institutions sont soumises à un rythme d'évolution accéléré. Dans leur rôle de « catalyseur du changement », les dirigeants ont besoin de limiter les risques, de faciliter l’appropriation d’un nouveau projet, d’inciter managers, citoyens, collaborateurs et partenaires à accueillir favorablement le changement.
"Vaste sujet qui bouleverse les organisations, les fonctions... et la communication. Pour dominer et communiquer le changement, les entreprises de demain (celles du privé comme celle du public) revisitent déjà la classique fonction du « DirCom » : elles sont en attente d’une Direction de la marque et de la stratégie plus pertinente dans l’installation de la relation, et elles recherchent un pilotage expert en communication du changement. "

Et elle est convaincue que l'on s'achemine vers une nouvelle fonction stratégique de "directeur de la communication du Changement »  : pour  répondre aux besoins d'entreprises privées ou para-publiques en mutation ou d'institutions en profonde évolution qui ont toutes besoin d'agilité et d'adaptation permanente de leur stratégie aux nouvelles exigences de tous leurs publics. 

Je partage assez son analyse. Et un boulot énorme est devant nouveau . Mais, comme d'habitude, ... à quel rythme ?
 

AMAZON, CARREFOUR ET LES AUTRES : A QUI LA PALME DE L'ATTRACTIVITE ?

Etonnant paradoxe dans l'étude réalisée par le cabinet OC&C sur l'attractivité de 289 enseignes présentes dans six grands pays dont la France : c'est Amazon , qui n'a aucun "magasin", qui arrive nettement en tête et se classe premier en Allemagne, au Royaume Uni et aux Etats-Unis. Il est vrai que les critères jouent en sa faveur : avoir fréquenté l'enseigne au moins une fois durant les six mois précédents, la largeur de l'assortiment, , la qualité et l'adéquation des produits aux besoins, le service ainsi que l'atmosphère du magasin...

En France, c'est Picard qui arrive en tête, devant IKEA puis Sephora/Decathlon/ Amazon . Et Vente-privée arrive 6ème, eBay 11ème et Cdiscount 19ème loin devant des enseignes comme Auchan(23ème), Lero-Merlin(24ème)  ou Carrefour 30ème.

Ceci est d'autant plus intéressant que le débat sur l'avenir de la distribution est rouvert... Carrefour est ainsi en train  de reconcevoir entièrement ses hypers avec deux  exemples ouverts en région lyonnaise. Dans le dernier numéro de Stratégies, Olivier Saguez (l'homme qui a notamment conçu le Lafayette Gourmet), s'interroge sur le nouveau concept Carrefour : pour lui, ce n'est pas en multipliant les services et le "plaisir" que les hypers assureront leur avenir ; à ses yeux, leur vertu primordiale reste la rapidité des achats surtout alimentaires et le prix ... Le débat  va se poursuivre , une fois de plus !

 

LES RESEAUX SOCIAUX BOULEVERSENT LA VIE PROFONDE DES ENTREPRISES !

Cela n'est qu'un début même si cela ressemble déjà à une tarte à la crème ! Mais les réseaux sociaux bouleversent de plus en plus en profondeur  la vie des entreprises sous au moins deux angles majeurs ; en voici quelques exemples parmi d'autres : 

> en termes de communication interne, deux mouvements (presque "contradictoires " dans leur esprit) sont en cours :

+ des entreprises, plutôt internationales, développent des "réseaux d"affinités" avec tout l'accompagnement événementiel (trophée mondial, "rencontres " etc) : les golfeurs, les joueurs d'échec ou de piano, les passionnés de timbres etc. L'idée : multiplier les relations transversales et hors hiérarchie au niveau international ; l'arrière-pensée : si l'on prend l'habitude de se parler plus au-delà des frontières, on le fera certainement mieux ensuite sur l'innovation ou le marketing ! La question : comment les salariés vivront-ils à terme "l'intrusion" de l'entreprise dans leur vie privée ou leurs loisirs alors même que des milliers de réseaux de ce type se mettent en place sur le web "hors entreprise" ?

+ d'autres développent les groupes d'échange, de débat, de projets sur des thèmes de l'entreprise, des sortes de groupes de progrès ou des boîtes à idées collectives. L'initiative est intéressante et à suivre de près.

Au-delà, les deux mouvements ont la même conséquence : l'information circule beaucoup plus vite et les salariés se parlent entre eux. Et c'est un vrai progrès ! Mais cela veut dire aussi que, de plus en plus, les dirigeants et les responsables de com maîtrisent de moins en moins l'information interne ; tout se sait encore plus vite...Je laisse à chacun le soin d'en réfléchir les conséquences , notamment une indispensable, et peut-être bénéfique, révolution (lente certainement) de certains  comportements... 

> en termes de communication externe : le Figaro-Economie de vendredi racontait que Singapore Airlines (dont les publicités vantent la qualité , l'accueil et le sourire de ses hôtesses) a "interdit à son personnel de bord de parler de travail sur les réseaux sociaux"...Et, apparemment, la société n'est pas la seule à aller dans ce sens ! On voit bien le problème pour l'image de l'entreprise et il est complexe : chacun se met à raconter l'envers du décor et la réalité interne sur Facebook et autres ! Je comprends bien la réaction de ces entreprises mises en cause; et, en même temps, peut-on réellement "interdire" car, après tout, je raconte ce que je veux  sur mon entreprises quand je dîne  ou prends un pot avec ma famille ou mes amis à la maison ou au bistrot . Vrai problème  mais, peut- être aussi, combat d'arrière-garde ?