Le weblog de Philippe Heymann

LA VERITE DES CHIFFRES AGENCES !

Il est devenu difficile de connaître la taille et la santé réelle d'une agence de com. : les filiales de groupes cotés, pour des raisons compréhensibles de cohérence boursière des chiffres, ne publient plus de chiffres par pays. On en est donc, pour tout le monde, aux "déclarations" de chacun (ou aux chiffres théoriquement transmis chaque année au Greffe), reprises par l'excellent classement des 400 de Stratégies.

Et voilà qu'EuroRSCG C&O lève "un petit coin du voile" sur sa rentabilité ! Les Echos de Mercredi 12 publient un très bon article sur la "bataille" Publicis/Havas. On y apprend (et ce n'est sûrement pas le journaliste qui a inventé ces chiffres !) que le nouveau budget EDF ( un des plus gros du marché) gagné par l'agence représente 60 millions d'euros ( de quoi ? Au total ou en achat d'espace ou ...?) et assure une "marge nette" à l'agence de 200 000 euros...

Soyons un peu sérieux ! Calculons un instant :

> sur un budget de 60 millions, même s'il s'agit du seul chiffre d'achat d'espace, l'agence réalise au moins pour 5 millions de marge brute en Honoraires, création, prestations diverses, commissions techniques etc, hors même la rémunération de la centrale d'achat d'espace; et je suis sans doute bien en-dessous de la réalité,

> les groupes ont un objectif minimum de 15% de résultat avant impôt, donc quelque 10% de "marge nette" après impôt et Vincent Bolloré n'en attend certainement pas moins...
Sur 5 millions de MB, cela fait au moins déjà 500 000 e , soit 2,5 fois les 200 000 annoncés. Et , là encore, je suis sûrement très en-dessous. Et un tel montant me paraît parfaitement normal pour l'avenir d'une entreprise.

Ce qui me choque plus : ce n'est pas en communiquant ainsi et en prenant les gens pour des imbéciles que l'on fera évoluer en mieux la relation annonceur-agence et que l'on fera la nécessaire pédagogie du métier. Cela ne me paraît pas digne d'un grand communicant.

Espérons que l'agence ne "travaille" pas de la même façon les chiffres de ses clients quand elle introduit une société en Bourse ou annonce le nombre d'actionnaires obtenus ! Dans ce cas, il est vrai, l'AMF veille au grain !

A COUPS DE PLEINES PAGES...

La PQN a de quoi se réjouir : les campagnes corporate par pleines pages se multiplient ces jours-ci dans ses colonnes ! Déjà, en ne prenant que Le Monde et Les Echos :

- NATIXIS remercie ses actionnaires. Bon. Même si j'ai un peu râlé sur la sur-pression pub pour l'introduction, à ce stade c'est normal !

- VIVENDI continue : la campagne BETC ne lasse pas, reste attachante; le message "entreprise de divertissement" passe bien, sans fanfaronnade (c'est rare !). Du beau travail corporate.

- IBM remet la pression avec Ogilvy et pointe encore plus sur le service et même le sur-mesure avec son point sur le i et "votre signe particulier". Un très bel exemple de la façon dont une entreprise, sur plusieurs années, est passée du positionnement "fabricant de machines" à "fournisseur de services" et même "conseil". Bravo...

- ENDESA-FRANCE démarre ... On comprend bien que cela se situe dans le domaine de l'énergie mais c'est à peu près tout ! Que veut-on nous dire ? Le thème de la "confiance" et la photo de la jeune femme casquée souriante..., c'est pas très neuf !

L'EVENEMENTIEL A LE VENT POUR LUI !

Mon notaire a , il y a peu, été surpris (et débordé !) par le succés d'une opération à l'origine modeste organisée pour ses clients à la BNF !
Discussions récentes avec des patrons d'agences d'Evénements : le marché est en plein essor. A mon sens pour plusieurs raisons :

> le phénomène d'externalisation gagne ce secteur : avant, une réunion interne ou clients de 50 ou 80 personnes, on l'organisait soi-même. Aujourd'hui, on n'a plus le temps, doc on consacre les permanents au pilotage et non à la mise en oeuvre ; et on a compris que sa réussite éxige qualité et professionnalisme.

> certaines opérations prennent de plus en plus d'ampleur. Ainsi BNP-Paribas, pendant Roland Garros, fait notamment appel à un prestataire spécialisé dans les logiciels de gestion des participants (Evenium en l'occurence) pour inviter, tenir les listes à jour, répartir entre les jours, les courts, les matches, les repasetc, confirmer, remercier etc etc.

> A mesure que les NTIC se développent, il y a de plus en plus besoin de recréer de la "relation humaine" : des vidéo-conférences, c'est bien ; c'est encore mieux quand les gens se rencontrent (et font la fête ensemble !) de temps en temps.

> surtout, l'Evénement a conquis enfin sa reconnaissance en tant que moyen stratégique de communication dans certaines circonstances : Airbus pour le lancement de ses nouveaux modèles en est un très bel exemple; et constructeurs automobiles et marques de luxe l'ont compris depuis longtemps (cf l'opération Moet et Chandon montée à New York par Publicis Events à la statue de la Liberté et primée par Stratégies).

TABAC, ALCCOL, SUCRE, ENERGIE & co ?

Les obligations de mise en garde sur les produits et/ou campagnes de publicité pour certains produits « dangereux » se multiplient… A la liste ci-dessus, on peut ajouter pour très bientôt le vin pour les femmes enceintes, les yoghourts pour… etc, etc.. Et, à ce rythme, on imposera aussi des mentions pour les automobiles puisque l’on n’ose pas interdire la vente de voitures roulant à plus de 130 à l’heure .

C’est là un débat de société majeur et complexe.

Dans un article récent du Figaro, Laurent Habib, président de EuroRSCG C & 0, à propos de l'énergie (il vient de gagner le gros paquet du budget EDF…) et un représentant de l’Union des Annonceurs s’en émeuvent vigoureusement. Leur réaction en résumé : l’Etat n’ a pas à se défausser sur le privé de ses responsabilités et faire payer par les annonceurs ce qu’il devrait dire lui-même…

Je comprends parfaitement l’inquiétude des annonceurs et le trouble de mes amis publicitaires : ces mentions légales ne facilitent pas la créativité ; et dire en même temps « achetez plus de mon produit » et « mon produit est dangereux » n’est pas évident ! En simplifiant, ou bien le produit est autorisé à la vente ou bien il ne l’est pas !

Mon sentiment est que ce débat est infiniment plus complexe. Cela fait des années que j’entends ma profession de communicant dire : « laissez-nous organiser nous-mêmes notre auto-contrôle plutôt que de légiférer ». Résultat : on n’a pas vu grand chose bouger ! Et la plupart des marques qui veulent se faire considérer comme « citoyennes » continuent à qui mieux mieux comme si de rien n’était, à part heureusement quelques brillantes exceptions.
On oublie aussi un peu vite que l’Amérique, « temple du libéralisme », a ,bien avant nous, amorcé les mentions « tabac » .
De plus, l’ensemble INPES + Ministère de la Santé + Assurance Maladie + Sécurité Routière (et j ‘en oublie sûrement) représentent de loin les plus gros budgets de communication publique nationale; on ne peut donc pas accuser l’Etat de ne pas faire son travail.

Certes, il y a un problème ! Mais, au lieu de râler, essayons vraiment d’ouvrir un débat "citoyen" serein et de trouver des solutions acceptables pour les entreprises et… pour les citoyens que nous sommes.

LES GRANDS PRIX STRATÉGIES

Remise hier soir, à l’espace Pierre Cardin, des Grands Prix des Stratégies de Communication 2006. Un rendez vous en principe incontournable de la profession ou, à tout le moins, des patrons d’agences primées…Car les « annonceurs » ne viennent guère que s’ils sont primés ou, éventuellement, membres d’un jury !

Les résultats, vous les lirez dans Stratégies… Quelques remarques quand – même :

➢ les primés sont excellents mais, quand on sait dans quelles conditions de sprint travaillent les jurys, ce n’est pas cela le plus intéressant. En revanche, le défilé complet donne une vision passionnante des évolutions de l’année !

➢ plus que jamais, même si ce n’ est pas nouveau, le niveau de créativité et de création du corporate a vraiment rejoint celui de la pub produit. C’est particulièrement spectaculaire sur les RP, l’événementiel, les sites internet (celui du TGV par exemple),

➢ la ligne de démarcation entre corporate et produit est parfois ténue. Cela pose un vrai problème de positionnement pour ces Prix… D’ailleurs, on voit bien comment une agence « corporate » comme EuroRSCG C&0 capte de plus en plus des budgets certes « globaux » mais à très forte connotation pubet service/produit.

➢ Les relations presse passent de plus en plus par de l’événementiel : si on veut passer au JT, il faut avoir des images et, si on a Zidane, c’est encore plus sûr !

➢ Dans cette cérémonie, l’édition écrite est apparue un peu à la terne : peu primée, peu visible alors qu’elle représente une activité très importante. Peut-être n’a-t- elle pas encore fait son nouveau bond en avant créatif ? C’est, il est vrai, un domaine où les entreprises elles-mêmes restent souvent assez conservatrices.

➢ Idem pour la com interne, mal mise en valeur, à part la très belle opération SNCF d’accueil de 4000 nouveaux embauchés. Un domaine, pourtant, où il reste partout un sacré boulot à faire…

A l’année prochaine…..

MANAGER LA COM !

Discussion avec Pierre-Alain Douay, délégué général de l'Association Communication publique que préside toujours aussi brillamment Pierre Zémor. Notre constat commun en substance :

> les organisations publiques de tous types (ministères, organismes, agences publiques, établissements,régions, départements, villes etc) ont fait d'énormes progrès en com. ces dernières années. Grâce largement aux efforts de formation déployés par le SIG, par Communication publique et les organismes ad hoc de formation publique , il y a maintenant un nombre croissant de responsables de com de qualité et "professionnels".

> ce qui coïnce souvent, désormais, c'est leur manque de formation de "manager" appliquée à la com : animation des équipes et expérience RH, méthodes et organisation, connaissance du code des marchés, gestion budgétaire (cf LOLF & co...), systèmes d'évaluation des actions, contrôle des coûts, animation de réunions, relations avec la hiérarchie ou les collègues hors com etc . Un champ très large encore peu exploré !

Que le premier pas soit franchi, c'est déjà énorme ! Il faut sûrement continuer et reste à s'attaquer au second...

VIVE LES SENIORS !

Une campagne de publicité vient, à juste titre, de promouvoir le travail des seniors. Conçue par Ogilvy & Mather , une agence d’excellente réputation et de grand talent, elle s’appuie sur des séquences réalisées par Raymond Depardon.

De fait, son approche est originale au point d’être parfois troublante. Ainsi, cette femme ingénieur de 62 ans qui déclare : « je peux courir un marathon aussi vite que vous ! « et enchaîne : « pourquoi je ne pourrais pas travailler avec vous ». Autant je crois à l’utilité majeure des seniors dans les entreprises, autant je suis plus perplexe face à ce genre de déclaration gratuite ! Comme le fait remarquer le Nouvel Observateur, « ces messages ressemblent beaucoup à des dénégations de vieillissement qui, comme le savent bien les psys, finissent par suggérer l’inverse de ce qui est dit… ».

A méditer !

SARKO CORPORATE !

Je ne connais rien à la communication politique que je n'ai jamais pratiquée. Je me suis donc demandé comment, si j'étais patron d'entreprise, j'aurais accueilli les propositions de mon agence pour mon positionnement, dans le cadre de la "déclaration de candidature" de cette semaine .

J'aurais pu avoir plusieurs réactions :
> "rupture tranquille" : intéressant mais je ne sais pas très bien faire les deux en même temps ; pour mon entreprise, je joue plutôt sur la durée pour passer de l'une à l'autre selon les besoins. Je sais mieux organiser la "force tranquille" ; mais le "tranquille" me ramène un peu trop à l'un de mes prédecesseurs détestés qui avait utilisé cela il y a 25 ans éxactement ! Donc... je ne prends pas !

> "ordre et mouvement" : même remarque que ci-dessus ; je ne sais pas faire. A certains moments, j'ai même besoin de provoquer un peu de désordre pour avoir du mouvement...

> permettre à chaque français que "tout soit possible" : bien trouvé ; belle promesse de la part de mon entreprise. Mais ... je ne suis pas capable de la tenir; et, comme mon entreprise se veut "citoyenne" et "responsable", je préfère chercher autre chose.

Deux conclusions :
1- comme patron d'entreprise, je dois être moins doué et plus timoré que "candidat Sarko". Peut-être est-ce pour cela que je n'ai jamais cherché à être Président de la République !
2- effectivement, je n'y connais vraiment rien en communication politique !

RE NATIXIS

Dans ma note du 15 novembre, je faisais part de mes réserves sur la campagne Natixis.
Je lis que la souscription se présente très bien. C'est une bonne chose.

Mais je remarque aussi que ... les 2/3 des souscripteurs individuels actuels sont issus des clients des Caisses d'Epargne et Banques Populaires. Bel exemple de confiance des clients dans leur banque. Mais cela ne fait que confirmer ma question : avait-on vraiment besoin d'un tel déploiement publicitaire ?

D'autant que je n'ai toujours pas très bien compris ce que c'est qu'une "banque de projet et de développement" !

VIVENDI NOUS DIVERTIT...

J'aime bien la campagne de Vivendi qui vient de sortir (signée BETC) :
des pleines pages N & B avec de belles photos attachantes. Elle est sobre, belle, sans tape à l'oeil et pose bien le positionement "divertissement".

Mais je ne suis pas complétement au clair sur son objectif.
Plusieurs hypothèses :
- après les agitations récentes et discussions de rachat par KKR, Vivendi veut rappeler que l'entreprise est là et bien là,
- signifier qu'après tous les mouvements de ces dernières années, le groupe est à nouveau "en ordre de marche",
- installer plus fortement ce positionnement "entreprise de divertissement".

Ou, tout simplement, les trois à la fois ! Bien joué...