Le weblog de Philippe Heymann

REXEL, DEVELOPPEMENT DURABLE ET ..."GREEN WASHING" ?

Rexel vient d'annoncer que sa Direction du Développement Durable sera rattachée à la Direction de la Communication. Ce n'est pas le seul cas...

Je ne connais pas la politique de DD de Rexel et sa "réalité" mais son rattachement à la com, à lui seul, crée un soupçon (sûrement injustifié !) de "green washing". Cela n'est pas forcément de bon augure  alors même que tout le monde jure que les mentalités sont en train de changer en profondeur !

LYCEES POUR TOUS ET RICHARD DESCOINGS : UN FORMIDABLE DÉBAT AUSSI SUR INTERNET !

Richard Descoings parcourt discrètement la France pour mener à bien sa mission sur les lycées. Mais il vient aussi d'ouvrir son site www.lyceespourtous.fr  . C'est une réussite formidable !

Certes, le graphisme et la couleur sont gais, jeunes et chaleureux ! Mais, surtout, c'est  à un vrai débat vidéo que l'on assiste : sujet par sujet, on y trouve une foule d'interventions de jeunes en vidéo de 1 minute à peine chacune, filmées lors des réunions locales. C'est l'entrée même du site qui, ensuite seulement, vous prend par la main pour aller consulter les données de fond !

Impressionnant ! Et... aucune pub ne vient interrompre la lecture et les vidéos...Un superbe travail où le débat local réel et internet trouvent leur totale complémentarité ! A méditer et... à copier !

QU'EST-CE QUI CLOCHE DANS LA CAMPAGNE VIVENDI ?

Vivendi développe depuis peu une forte campagne de publicité corporate signée de BETC EuroRSCG (quel nom quand-même !). Premier objectif réussi puisque la campagne se remarque.

Et, en même temps, je me sentais mal à l'aise et ne trouvais pas pourquoi....

Finalement, en la voyant et la revoyant, je me rends compte de deux choses :

> la base-line est totalement  "ambigue" : "groupe français leader mondial de la communication". Trop intelligent pour être complètement clair et "convaincaint" : Vivendi est-il le numéro un mondial de la communication ou est-il le groupe français se situant parmi les quelques leaders mondiaux ?  De plus,dans le calcul qui aboutit à cette place de "leader", j'imagine bien qu'ils incorporent  les jeux, la musique etc mais aussi SFR : donc communication ou communications ? Tout cela donne fortement le sentiment de jouer sur les mots (et les chiffres) et n'est pas totalement sain ; à tort ou à raison, ça jette un doute ... 

> en ce qui concerne le visuel et le look d'ensemble de la campagne, malaise aussi : certes il y a des gens et des jeunes partout à profusion et la couleur, la "boule", "l'univers illuminé" sont des intentions respectables ;  mais  ils finissent par projeter de la froideur absolue alors que l'on aurait envie de chaleur, de plaisir , d'empathie et d'humanité. Bref une réalisation qui, partant d'une "stratégie créative" sans doute bien vue, aboutit à son contraire !

Dommage ! 

LES STOCK-OPTIONS DE LA SOCIETE GENERALE : AUSSI UN RATAGE DE COM !

Je ne vais pas épiloguer sur le fond de l'affaire des stock options ; d'autres, bien plus autorisés , l'ont fait dès ce matin très tôt. Mais regardons les choses sous le prisme de la communication...

D'un côté voici donc une entreprise (et son Président, Daniel Bouton) qui , en quelque 18 mois, s'offre:

- l'affaire Kerviel,

- la crise,

- le procès du Sentier,

- le prêt apporté par l'Etat,

- la chute de son cours (tout comme tout le marché et les autres banques),

- le "rappel à l'ordre"  la semaine dernière des autorités US pour non-coopération dans les déclarations sur le blanchiement d'argent,

- les milliards finalement assumés par le contribuable US et apportés à AIG qui en reverse une partie à la Société Générale notamment,

et j'en oublie sûrement !

De l'autre, voilà :

- une AG d'actionnaires qui, en mai 2008 (donc avant le plus profond de la crise) autorise le conseil d'administration à attribuer des stock options ,

- un conseil d'administration qui se réunit le 9 mars (il faut quand-même bien faire tout cela avant la prochaine AG qui risquerait de revenir en arrière !) et qui les distribue à un grand nombre de nouveaux bénéficiaires ou nouveaux promus, y compris un paquet de 70 000 à son Président,

- un conseil qui sait forcément compter : si le cours ne fait que "mécaniquement" remonter de 50% dans les 4 ans qui viennent (ce qui parait tout à fait plausible et n'aura pas grand chose à voir avec l'action des dirigeants), cela  fait une plus value minimum de 1 000 000 millions d'euros pour Daniel Bouton,

- des responsables qui choisissent de faire publier  cela le jour même de la grêve générale d'hier, qui plus est le jour où Madame Parisot refuse de s'occuper du problème ,

-  les mêmes qui, face à la polémique soulevée, font immédiatement une annonce "trompre-l'oeil"  de "soit-disant" recul qui consiste à prendre les journalistes et donc l'opinion pour des imbéciles....

Et, après tout cela, ils vont certainement se plaindre d'être des incompris !

Les bras m'en tombent ! 

J'avais pourtant le sentiment qu'il y a à la Société Générale une bonne équipe de communicants et, qui plus est, de brillants conseillers/consultants en communication ( d'ailleurs les mêmes que ... Total >> voir ma note récente !)... Alors je ne vois que  quatre hypothèses :

1- ils ont fait une  grave erreur de stratégie et pensaiennt que la grêve occulterait leur communiqué,

2- les communicants  n'ont pas été mis au courant et cela pose alors un gros problème d'organisation et... de contrôle,

3- ils n'ont pas réussi à dissuader leur Direction générale et cela pose alors la question de leur rôle et de leur crédibilité !

4- ils savaient parfaitement ce qui se passerait et  ont cherché la provocation ou le "coup de pub" ! Après tout, il y a eu une époque où le fameux Jacques Borel expliquait que plus on critiquait l'un de ses restaurants, plus il avait de monde le soir même....

Finalement, sur ces 4 scenarii, le quatrième est le moins désobligeant pour la com ! Avec les trois autres, au-delà des faits eux-mêmes, il y a un problème de ce côté là  aussi ! J'aimerais comprendre....

LES ACTIONNAIRES METTENT EN CAUSE LA COMMUNICATION...

Une enquête/baromètre de Capitalcom auprès de 1500 porteurs de valeurs mobilières françaises (relatée par Les Echos de ce jour) témoigne d'une très forte méfiance des actionnaires à l'égard des dirigeants des entreprises cotées. Pour ceux qui ont lu mes dernières notes sur le sujet, rien d'étonnant !

En synthèse :

- pour 70% des interrogés, leur confiance est "affaiblie" et il faut y ajouter 9% pour lesquels elle est même "rompue", soit près de 80 % de défiance. Certes, la chute des cours suffirait à elle-seule à expliquer ces chiffres. Et  il est  même surprenant  que pour 21% d'entre eux , cette confiance soit "renforcée"... Mais regardons plus en détail !

- Le principal reproche porte (à 78%, les chiffres se recoupent) sur la qualité de la communication,

- 56% reprochent un manque de transparence,

- pour 22% (ce qui est un "bloc" important dans une enquête), elle génère de véritables inquiétudes ...

Là où beaucoup vantaient les progrès réalisés depuis dix ans par la communication financière...il y a pourtant  encore un sacré pain sur la planche ! Et on peut se demander si les progrès n'ont pas été surtout réalisés sur la forme (les pub financières sont certes graphiquement beaucoup plus jolies et plus claires) plus que sur le fond . Le propos ne reste-t-il pas trop souvent de ne surtout pas parler des choses qui ... 

LES PATRONS DU CAC 40 LES PLUS APPRÉCIÉS DES JOURNALISTES

Le Consultant V comme V (Vincent de la Vaissière) vient de publier une enquête où il a interrogé  140 journalistes  sur les patrons du CAC 40 qui communiquent le mieux.

Les trois mieux classés : Jean-Cyril Spinetta d'Air France, Christophe de Margerie de Total (voir ma note précédente !) et Patrick Ricard de Pernod-Ricard (d'ailleurs, fait rare, immédiatement suivi de son DG Pierre Pringuet).

 C'est un concept très important, notamment dans le domaine financier : on s'intéresse à la stratégie de l'entreprise mais, plus encore, à la capacité du Président à la mettre en oeuvre, à la réussir et à tenir ses engagements ! Et, en cas de crise notamment, l'image, la capacité  à communiquer et la crédibilité du Président jouent un rôle essentiel. 

Il ne faudrait cependant pas tout ramener à cela. Exemple : L'Oréal a une image remarquable et se classe numéro un chez les jeunes "managers" en quête d'emploi, alors même que son président actuel  (encore récent, il est vrai) est assez peu connu et identifié. Et il n'est pas dans les dix premiers du classement  de V comme V. Et on peut citer plein d'autres exemples du même type. Il ne faut jamais oublier que l'image d'un patron n'a de valeur que si, simultanément, on identifie bien quelles activités il incarne. Le cas symbolique : Vincent Bolloré... Un nom ultra-connu... Mais qui sait vraiment aujourd'hui, en dehors de la pub et des media, dans quels business son groupe est impliqué ?

Au-delà de ces remarques et de l'intérêt de cette enquête, je suis un peu gêné qu'un cabinet de consultants mène lui-même un telle enquête et un tel classement. Cela n'a rien à voir avec  l'intégrité absolue de Vincent de la Vaissière. Mais, pour le principe,  j'aurais été plus à l'aise si cela avait été fait par une société d'études indépendante qui ne serait pas simultanément conseil en communication !

TOTAL ET SES SUPPRESSIONS D'EMPLOIS : UNE VRAIE FAUTE DE COM. !

Manifestement, Total avait vraiment bien travaillé son dossier et, en d'autres temps, cela se serait peut-être passé "normalement" :

- des suppressions d'emplois étalées dans le temps et annoncées très en avance,

- aucun licenciement "sec" mais des non-remplacements de départs à la retraite et, sans doute, des pré-retraites ou départs volontaires,

- un plan d'investissement en France significatif

etc

Même si l'entreprise fait plein de  milliards de bénéfices, on ne peut lui reprocher de chercher en permanence à s'adapter et à évoluer. Et on aimerait que toutes les entreprises qui vont dans ce sens le prépare avec autant de soins et décide, d'emblée et non pas sous la pression, de n'envisager aucun licenciement sec ! Ce n'est pas forcément le cas chez Continental ou ailleurs !

Le hic est que cette annonce est venue  peu de temps après l'annonce des résultats et que l'atmosphère générale ne s'y prêtait guère. Les  premières réactions un peu brutales du secrétaire d'Etat , quoique très exagérées, en sont cependant le reflet. Etonnant quand-même pour une entreprise plutôt rodée à la gestion de crise. Même si son Président de Margerie vient d'être classé par les journalistes comme l'un des meilleurs communicants du CAC 40 (numéro 2 après Spinetta), cela reflète le chemin qui reste encore à parcourir pour que, même chez Total, la com soit réellement intégrée aux décisions stratégiques.

Reste à savoir si, derrière les apparences, ne se joue pas autre chose...?  L'Etat, en effet, s'apprête à imposer une nouvelle taxe à Total et autres pétroliers pour regarnir ses caisses. Certains murmurent que, en échange de cette taxation, Total va forcément demander des "compensations"...Et, dans ce scénario, l'annonce des suppressions d'emplois jouerait son rôle ! Mais,  ce ne sont que des rumeurs ! Où va donc se loger la com !

AXA, CREDIT AGRICOLE, VEOLIA...LA NON-TRANSPARENCE FINANCIÈRE DEVIENDRAIT-ELLE LA RÈGLE ?

Après AXA (voir ma note du 28 Février),  Crédit Agricole, Veolia et d'autres font la même chose : ne publier que des chiffres bruts de résultats  sans comparaison avec l'année précédente ... lorsque les chiffres sont en baisse !

Je sais bien que la publication de ces pavés n'a pas à passer entre les mains préalables de l'AMF ! Mais si les entreprises continuent ainsi, elles n'auront pas à se plaindre si la législation se durcit ! Cette façon de faire est pour le moins surprenante au moment où tout le monde fait de grands discours sur la "moralisation financière". Le minimum , quand les résultats baissent, consiste à le dire et ... peut-être à expliquer pourquoi ?

L'ambiance actuelle me fait parfois penser à certains aspects de mai 68 : " j'ai tout compris, dirent alors nombre de dirigeants d'entreprise... Désormais, je me comporterai autrement et j'aurai de la vraie considération pour mes salariés...". Novembre arriva et ... On voit bien aujourd'hui où en est encore la "considération" dans certaines entreprises !

Où en sera la  belle "moralisation" quand la conjoncture repartira ?  Est-ce tellement clair  que certains comportements vont vraiment changer ?

MAM ET CHRISTINE ALBANEL NOUS DONNENT DE BELLES LECONS DE COM !....

Curieuse coîncidence, deux de nos Ministres nous donnent , chacune le même jour, une belle leçon de communication...

Notre Ministre de l'Intéreur, Michèle Alliot-Marie, connait son métier en matière de communication de crise... Elle a, en particulier, parfaitement assimilé qu'il faut, en premier lieu, "ne jamais rien dire qui pourrait se révéler inéxact"  !

Ce principe de base, elle vient de l'appliquer parfaitement à l'incident d'une classe de collégiens, pris en sandwich, à la Gare Montparnasse,  par une charge de police... Elle a ainsi expliqué que, selon les premiers rapports, il ne s'est rien passé de vraiment anormal. Simplement ,pour un élève, il y a eu "contact entre une matraque et un estomac "....

Bel exploit ! C'est sublime de vérité... A méditer par tous ceux qui ont à gérer une communication de crise.... Trouvez  donc mieux !

De son côté, Christine Albanel accepte, ce qui est tout à son honneur, d'être interviewée en direct au Grand Journal de France Inter. L'équipe de journalistes avait évidemment bien préparé son accueil : ils ont foncé sur le sujet de la fin de mandat de leur Président, Jean-Pierre Cluzel, et sur les rumeurs (certainement infondées !) selon lesquelles notre Président de la République serait plutôt agacé par les chroniques du matin de Stéphane Guillon ; et ils ont été parfaitement calmes et mesurés mais n'ont pas lâché prise ! En l'occurence, on sentait bien Madame Albanel plus que gênée et, c'est vrai, s'en sortir était plus que "difficile". Cela dit, elle a donné une leçon  fabuleuse et magistrale de "langue de bois"  qui a laissé Michel Denisot totalement coi ... pour ne pas dire "ailleurs" .Et l'on se demandait si , finalement, elle avait bien fait d'accepter l'invitation  alors qu'elle n'avait rien à dire ! Mais ... quand on est Ministre, passer à l'antenne ne se refuse pas ! 

 Merci donc Madame Albanel, pour cet autre formidable moment de com !

RIBOUD, DANONE, LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DE L'ENTREPRISE : UN IMMENSE BRAVO ....MAIS ....!

Frank Riboud, le patron bien connu de Danone, a publié, ces jours derniers dans Le Monde, un remarquable et passionnant article sur la responsabilité sociale des entreprises...

Un immense bravo ! Car on ne peut qu'applaudir à l'ensemble de son propos. Et Danone a déjà bien prouvé dans le passé que cet engagement est sincère (la Fondation Danone, le micro-crédit etc mais  aussi ce qu' Antoine Riboud, le père, avait déjà fait !).

Son  propos est, comme il le dit, d'autant plus justifié par la crise actuellle. Et... il passe, une fois de plus, à l'acte : il va consacrer 100 millions d'euros à des actions sociétales locales, proches du terrain et de ses usines, proches de ses fournisseurs, de ses clients etc. Et il annonce que, chaque année, il y rajoutera 1% des résultats de son groupe....

On croit rêver ! Et on aimerait que bien d'autres entreprises (à tout le moins celles qui sont plutôt en bonne santé) en fassent autant !  C''est tellement stimulant que ... j'ai voulu aller y regarder de plus près ! Et j'ai donc consulté, sur son site, les résultats financiers 2008 du groupe Danone. Là, bonne surprise, j'ai trouvé de très nombreuses informations et chiffres détaillés et expliqués.

 Quelles réflexions cela m'inspire-t-il ?  

Plusieurs points  m'ont "interpellé" :

> 1% par an du résultat ? Sur la base d'un résultat opérationnel net  2008 à environ 1,2 milliard d'euros, cela fait un versement annuel de 12 millions d'euros... C'est bien : en simplifiant, cela peut financer chaque année 400 projets dans le monde à 30 000 euros chacun ...Et, en même temps, c'est pas énorme !  12 millions, c''est, en gros, le coût du lancement publicitaire musclé  d'un nouveau produit Danone....

> 12 millions par an, c'est bien. Mais ..., en 2008, Danone a engrangé quelque 300 millions d'euros de résultats supplémentaires et le résultat a augmenté  plus  vite que le chiffre d'affaires .... Cela, au cours d'une année marquée par la bataille  et les plaintes des  produc teurs de lait  quant aux prix qi leurs sont payés et la baisse de leurs revenus ! Au moment où Danone améliore ses résultats grâce à sa bonne gestion et à la qualité de ses "achats",  la France va  d'ailleurs leur donner plus de subventions qu'avant...

Tout cela mérite donc effectivement réflexion et prise de distance ! D'autant que, après tout, financer les progrès de ses fournisseurs ou leur formation, cela a qelque part à voir avec l'intérêt bien compris de l'entreprise dont la mission n'est effectivement pas de faire du "mécénat" systématique...

Rappelons nous aussi que lorsque, au "siècle dernier", Michelin ou Prouvost finançaient le logement de leurs ouvriers ou la formation de leurs apprentis, on a dédaigneusement qualifié cela de "paternalisme", lequel partenalisme est aujourd'hui plus noblement rebaptisé "responsabilité sociale".

Bref, bravo Franck Riboud et souhaitons que l'exemple soit suivi. Mais ... et si la "responsabilité sociale de l'entreprise" n'était pas autre chose que l'intérêt bien  compris de l'entreprise à long terme ? Ou, tout simplement, une vision manageriale intelligente qui est ensuite remarquablement "habillée" par les communicants ? 

Le débat est ouvert... !