Le weblog de Philippe Heymann

CHIRAC, LE LIBÉRALISME ET LE POIDS DES MOTS

Le débat sur le "libéralisme" est caricatural du "poids des mots" et des qui-proquos que cela peut créer ! Et les derniers propos de Chirac qui "rejette" le libéralisme sont caractéristiques ...D'autant qu'une partie de l'opinion française l'approuve ! Chirac en use très bien et faire le contraire serait sans doute, en tout cas pour lui, se tirer une balle dans le pied...

Car le débat entretient un double qui-proquo :

> ce que Chirac appelle "le libéralisme" devrait s'appeler le "libéralisme à la française". Car aucun des autres grands pays (y compris les Etats-Unis) ne pratique notre libéralisme qui consiste largement à prendre "le laisser-faire" et à en écarter les "contrepoids". Comme je l'ai déjà écrit dans plusieurs notes antérieures, aucun de nos grands voisins n'accepterait que Dassault, EADS, Bouygues et d'autres (qui vivent pour beaucoup des contrats publics) contrôlent les principaux media ; ou que Publicis et Bolloré puissent avoir à la fois des participations dans des media, dans des régies, dans des centrales d'achat d'espace et dans des agences de publicité !
Et, parfois même avec quelque excès, nos grands voisins ont des législations financières, anti-trust, class actions etc infiniment plus fermes que les nôtres ainsi que des syndicats, organisations de consommateurs , associations infiniment plus structurées que les nôtres !. Le vrai libéralisme, tel que le préconisait même Milton Friedman, inclut OBLIGATOIREMENT DES CONTRE-POIDS qui n'existent guère chez nous quoiqu'en dise Laurence Parisot.

> Chirac, habilement, met également dans le même "paquet" le système économique et le fameux "modèle social", ce qui n'est pas éxactement le même débat même si c'est un vrai débat. En l'occurence, la France a déjà une législation du travail assez stricte et l'Europe a une armada de "protection sociale" sans comparaison avec les Etats-Unis. Et il y a là incontestablement beaucoup de choses à améliorer et/ou à "optimiser".

Certes les deux sujets sont complémentaires mais , en installant le tout sous le même chapeau, on ne contribue pas à éclairer nos concitoyens et on exploite la fibre " se protéger de tout "; ailleurs, on appellerait cela de la démagogie ...

Ces débats faussés par les mots me rappellent celui qui remonte périodiquement, quoique un peu dépassé, sur l' Europe "confédération" ou "fédération" ! Comme si les Allemands, chez qui les Länder sont très puissants, mettaient la même chose que nous, jacobins, dans chacun de ces termes. Au bout du compte, à quelques nuances près, tout le monde est presque d'accord... pour refuser une Europe dont la tête serait trop forte et nierait les "identités nationales" pour reprendre un terme en vogue !

Le poids des mots - et donc la communication - est bien partout autour de nous !

L'EUROPE EST-ELLE DANS MA CUISINE ?

On va célébrer ces jours prochains les 50 ans du Traité de Rome. L'Europe est un sujet surlequel j'ai beaucoup travaillé et, pour moi, c'est une date symbolique très importante. Mais, selon toutes les enquêtes, ce n'est pas forcément le cas pour tous les Français !

La communication sur la construction européenne a toujours été un problème difficile. La raison ? Personne ne communique (et quasi aucune "insititution" nationale ou européenne disposant de budgets de com sauf lors de referendums parfois funestes !) sur la "dynamique européenne" : la Commission de Bruxelles communique sur la base de ses "politiques" (politique agricole, transports, concurrence etc) et de ses Directives segmentées ; dans chaque pays, chaque Ministère fait éventuellement de même. Résultat : personne ne communique sur "l'Europe dans ma cuisine", " l'Europe de mes vacances" , "l'Europe de mes loisirs" etc, c'est à dire les vrais sujets de vie quotidienne. Ou alors on se met à parler de la "citoyenneté européenne", terme barbare qui manque de concret à part le passeport européen mais ... la moitié au moins des Français n'a jamais mis les pieds hors de l'hexagone !

De plus, les "institutions" qui pourraient communiquer sur ce ton, Bruxelles par exemple, s'interdisent de communiquer sur des choses qui ne sont pas de leur ressort direct du type Airbus (dans les bons moments !) ou le Tunnel sous la Manche (idem !); et pourtant, sans la "dynamique européenne" du Traité, tout cela n'existerait pas !

Bref la "communication européenne" a , elle aussi, besoin d'un bon coup de rafraîchissement ! En attendant, ne nous étonnons pas si les sondages restent au scepticisme !

KARCHER PEUT BIEN REMERCIER SARKO

La marque Kärcher rebondit astucieusement sur l'actualité (plus tout à fait récente) : elle sort une pub sous forme de mise au point genre "Nous n'avons aucun rapport avec les termes utilisés... !"

Joli coup pour cette entreprise familiale allemande vieille de 70 ans ! Et elle en profite fort logiquement pour rappeler et expliquer ce qu'elle vend. Il reste que, dans cette entreprise de taille modeste, c'est une sacrée réussite d'être passée dans le vocabulaire comme le frigidaire ou quelques rares autres : je n'avais pas attendu Sarko pour me dire qu'il faudrait "passer ma terrasse au kärcher".

Le rebond est habile et reste bien tourné.

LECLERC TIENT UN DISCOURS INTELLIGENT

Michel-Edouard Leclerc tient toujours un discours intelligent et cohérent que j'apprécie beaucoup. A propos des messages sanitaires sur les pubs produits alimentaires, sa position, dans une interview publiée par Les Echos de vendredi 2, est tout à fait exceptionnelle !

Je cite : "Au début, nous n'y étions pas opposés, car l'existence d'une solidarité interprofessionnelle pour effectuer une pédagogie sur la nutrition et la santé est quelquechose de positif.... En adoptant ce décret, le législateur s'est offert une position vertueuse à bon compte. La bonne mesure eût été de limiter légalement dans les composants les corps gras ou le taux de sel. Nous-mêmes avons commencé à entreprendre une démarche pour faire baisser le taux de sel et les corps gras dans notre Marque Repère...".

On croit rêver ! Merci Monsieur Leclerc et demandez aux autres de vous imiter.

DELOCALISATIONS : "LE MONDE" DEVIENT CONSTRUCTIF !

Je suis suffisamment souvent critique à l'égard du Monde(que je lis quand-même tous les jours !) pour me permettre de saluer son numéro daté de samedi 22 février : il consacre en effet une quasi demie page à Damart et montre comment la société a anticipé, plusieurs années d'avance, ses futures délocalisations et amené 35 ouvrières d'abord, les autres ensuite, à s'y préparer, à évoluer dans d'autres métiers de la société. Résultat : délocalisations mais pas de suppression d'emplois ! Et le quotidien constate même que ces salariés ,dans leurs nouveaux jobs, sont au fond très heureux et contents, une fois passée l'angoisse du changement et le moment de séparation avec "les copines".

J'en tire deux leçons simples :

> ce type d'action (et d'article) me parait infiniment plus crédible et positif pour l'image de la société qu'une belle campagne de pub à la VINCI ...

> si la presse parlait un peu plus de ce que font de plus en plus d'entreprises pour anticiper positivement le changement, beaucoup d'autres encore le feraient et , simultanément, on aborderait avec un peu plus de confiance et de réalisme le fameux problème des délocalisations trop souvent mal posé !

LE CAS D'ECOLE DES FONDS PRIVATE EQUITY ET LBO

Le dernier numéro de Challenges - à mes yeux le meilleur magazine business actuel sous l'impulsion de Vincent Beaufils - consacre sa couverture au phénomène des LBO. C'est un sujet que je connais bien car je le suis depuis plusieurs années pour l'un de mes clients préférés ! Or, on est là, typiquement, devant un cas d'école de "pédagogie" et d'information économique de l'opinion.

Certes, comme dans tous les métiers et toutes les activités, il y a des "râtées" et des "moutons noirs". Mais, globalement, l'émergence du Private Equity est l'un des phénomènes les plus intéressants et les plus positifss du capitalisme intelligent moderne : c'est l'une des voies les plus prometteuses de financement du développement des entreprises récentes, petites ou moyennes ainsi qu'une façon formidable de réveiller de vieilles filiales endormies au fin fond d'un grand groupe ! Et cela, au bénéfice de tous : les investisseurs (finalement vous et moi au travers des fonds de retraite et de pension), les dirigeants des entreprises, l'ensemble du personnel qui bénéficie du dynamisme retrouvé ou accéléré de l'entreprise et ... les clients !

Or on assiste à un triple phénomène d'opinion :

> tout le monde mélange allégrement tout, en particulier les Hedge Funds totalement spéculatifs et le Private Equity ; heureusement, Claude bébéar y a mis bon ordre dans une interview récente des Echos.

> on érige, comme souvent ( la presse en tête!) les exceptions et les râtées en exemple généralisable alors que, dans un bon 90% des cas, le mécanisme fonctionne à la satisfaction de tous !

> les politiques se croient obligés de "hurler avec les loups", s'emparent du problème et ne se sentiront "quittes" et "responsables" que lorsqu'ils auront trouvé le moyen de légiférer sur le sujet pour montrer qu'ils font bien leur travail, au risque de couper les ailes ou de freiner l'un des facteurs aujourd'hui les plus dynamisants de notre économie !

Certes, il y a sûrement des choses à améliorer, par exemple de bien veiller à ce que l'ensemble des salariés de l'entreprise concernée soit partie prenante de la valeur ajoutée créée ; et il est normal que les syndicats se penchent sur le sujet ! Mais le mouvement est déjà en marche depuis longtemps : Challenges cite le cas spectaculaire de Linedata Services où, lors du LBO, la totalité des salariés présents ont été impliqués.

Comme dans beaucoup de cas de ce genre, il y a beaucoup de pédagogie à faire : elle incombe aux professionnels et dirigeants des entreprises concernées mais aussi aux journalistes eux-mêmes... Et ce n'est pas le merveilleux gadget du Comité de pédagogie économique de Thierry Breton qui fera le travail à la place des autres !

FAUT-IL VRAIMENT LIRE LES E-CAHIERS DU CINÉMA ?

On me signale que les célèbres Cahiers du Cinéma vont, à partir du 7 mars, être disponibles en anglais sur le net. Et voilà même que l'on propose de regarder le "numéro zéro" sur internet sur http://www.virtuel-book.com/cdc/cdc00/ .

J'ai donc regardé et ... je ne suis guère convaincu !

Si, en effet, un e-magazine consiste à installer des pages dont la maquette a été conçue pour la lecture papier, d'accord je le reçois plus vite si j'habite à l'autre bout du monde; d'accord je sais de quels sujets on y parle; d'accord je peux regarder correctement les photos et les illustrations.... ; de là à avoir un produit que je lis et qui m'accroche, c'est une autre affaire !

Dommage ! Une bonne idée certes mais... pas faite pour moi !

J'AI FAILLI PERDRE MON LEROY-MERLIN...

J'ai eu un choc ces derniers jours en écoutant la radio du matin : on m'annonçait que Leroy-Merlin allait changer de nom et s'appeler... Adeo ! Comment ? Mon bon vieux Leroy-Merlin de mon centre commercial de province où je trouve tout ne s'appellera plus Leroy-Merlin ?
Heureusement, vérification faite, ce ne sont pas les magasins (ou pas maintenant !) qui changent de nom mais... la Holding ! On l'ai échappé belle !

La problématique est, en l'occurence, , assez proche de celle par exemple de Novotel (la holding qui possédait Novotel, Sofitel, Ibis, Tickets Restaurants etc etc) qui a changé pour s'appeler ACCOR. Car le groupe Leroy-Merlin, c'est plein de marques de l'empire Mulliez comme Leroy-Merlin, Bricorama, Weldom et un paquet d'autres. Il y a donc bien une logique au changement et elle n'aboutit pas à la mort d'une marque qui, même si elle fleure bien le vieillot, est un vrai capital !
J'ai eu très peur...

Il est vrai que les changements de nom et encore plus de marque commerciale sont périlleux et pas toujours réussis. Qui sait vraiment clairement, à part les professionnels, qui est Altadis ou Novartis ou Nexans ou Safran ou ce qu'est devenu l'ancien Rhône Poulenc ? Ou ce qu'est Adoma qui vient de remplacer la Sonacotra; ou le mal que l'on a à "endosser" LCL au lieu de Crédit Lyonnais. Certains changements ont été des réussites comme Vivendi, HSBC ou Veolia ; ils ont , pour cela, mis le paquet pour en pub ! Donc , on voit bien la difficulté pour une marque de distribution !

A l'inverse, on voit aussi que de "vieilles" marques comme Monoprix ou Galeries Lafayette ou Bon Marché ont parfois réussi à se redonner une vraie modernité.

De fait, le nom, c'est très important, surtout lorsque, comme moi, on donne une grande importance aux "signes". Et loin de moi l'idée qu'il ne faille jamais en changer... à condition de bien y regarder à deux fois. Car, le nom, c'est une chose mais son contenu et son symbôle, c'est de loin plus important.

Un exemple extrême : qui oserait aujourd'hui donner le nom de Figaro à un quotidien ....? Car guère de nom plus "vieillot"; et personne ne songerait à le lui enlever.... !

TOUTE DÉCISION DOIT ÊTRE COMMUNICABLE !

Assisté ce matin à un excellent débat organisé par Communication Publique que préside Pierre Zémor sur "Gérer le changement". Autour de lui, le Consultant Bernard Brunhes et les Dircom de la Poste, de la RATP et de RTE. J'y reviendrai plus longuement car la discussion a été très riche (voir ma note ultérieure du 19 Février sur "conduire le changement").

Dans l'immédiat, je reprends uniquement un point important évoqué par le Dircom de la Poste parlant de son Président, Jean-Paul Bailly : " pour lui, si une décision n'est pas considérée comme communicable, alors il ne faut pas la prendre maintenant du tout ! ".

Je crois rêver ... en rose ! Voilà un Président qui a intégré concrétement le rôle stratégique de la communication. A voir ce qu'il a déjà réussi à la RATP et maintenant à la Poste, on n'est pas étonné venant de lui. On aimerait qu'il fasse des émules !

RAS LE BOL LE MONDE !

Cela fait plusieurs dizaines d'années que je lis fidèlement Le Monde tous les jours. Mais... il commence sérieusement à m'agacer ! Non pas à cause de ses idées et contenus : je sais à peu près les décoder; mais pour des raisons "pratiques" :

- D'abord, je me suis mis à la livraison par portage. Résultat : un samedi au moins sur deux, je ne le reçois pas ou seulement le lundi !

- ensuite, il m'a imposé, moyennant finance, le supplément magazine auquel je ne trouve aucun intérêt,

- et voilà maintenant que, pusieurs fois par semaine à la une, on nous met trois colonnes en tête ou sur les nouveaux produits "Opéra" ou sur le nouveau gratuit avec Bolloré. Ils pourraient à tout le moins les marquer "publicité" comme ils l'imposent à n'importe quel annonceur !