Le weblog de Philippe Heymann

LES "NUDGES" VONT FAIRE "REMONTER" LA COMMUNICATION PUBLIQUE

Très intéressante réunion, vendredi matin, de l'Association Communication publique, avec Françoise Waintrop du SGMAP ( Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique) sur le thème des "nudges". Traduire : les "coups de pouce" pour inciter à adopter de nouveaux comportements...

En simplifiant, cela consiste à rechercher systématiquement les "coups de pouce" qui vont permettre  de faire concrètement évoluer les comportements des usagers et, pour l'Etat,  d'intégrer cette réflexion très en amont, de la décision à la mise en oeuvre ... y compris dans  la communication mais pas seulement. Exemple  simple : pour inciter les gens à monter un escalier à pied au lieu de prendre l'escalier roulant, il peut suffire, toutes les dix marches, de l'escalier, de coller un bandeau indiquant le nombre de calories ainsi consommées...Peu couteux et efficace !

Sur ce principe, l'équipe du SGMAP mène, sujet par sujet, avec l'administration concernée, un travail de "laboratoire" systématique  à partir des comportements des utilisateurs et propose des mesures  souvent simples à mettre en oeuvre à tous niveaux pour faire bouger les choses. Quelques exemples de ces travaux en cours : la sécurité routière, les médicaments génériques, la déclaration fiscale en ligne etc.

A vrai dire, cela fait longtemps que les  bons communicants institutionnels ( Dircom comme agences corporate) ou les gens de marketing  ,par exemple dans la distribution, travaillent dans ce sens très en amont. Mais que l'Administration elle-même s'y mette ( avec certes beaucoup de retard sur plein de pays voisins !) est un pas en avant qui peut être très important :  un vrai "nudge" à l'intérieur même de l'Etat....

Surtout, que cela vienne de l'intérieur même de l'Administration va probablement permettre de faire remonter ce souci beaucoup plus en amont et plus près des décideurs  de haut niveau . Pour ceux qui, comme moi, ont toujours pensé que la communication doit être intégrée avant même la décision, cela peut être extraordinairement constructif. Pour l'Administration, cela peut même être une vraie révolution ! Si la méthode se diffuse largement, on va vers un véritable "design" des politiques publiques.

Alors... bon vent aux Nudges et souhaitons que l'équipe en charge soit vite surchargée !

DES GRANDS PRIX STRATÉGIES...UN PEU TERNES !

Stratégies remettait mercredi soir les Grands prix des Stratégies de communication : com. éditoriale, com d'entreprise et des collectivités territoriales, Relations publics et Evénements.

J'en retire une impression un peu terne ... : un présentateur avec nettement moins d'humour et  d'entrain que d'habitude, des discours des partenaires plus que stéréotypés, des vidéos décrivant les réalisations où, au moins une fois sur deux, on a vraiment du mal à bien comprendre de quoi il s'agit et, surtout, catégorie par catégorie, des projets qui finissent par tous se ressembler... 

- en com. éditoriale, tout le monde fonce évidemment sur les  derniers styles à la mode : data-visualisations, pastilles colorées, style des dessins ...., et tout finit par avoir l'air pareil !

- en com. d'entreprise, Elisabeth Coutureau de l'AACC a beau dire que la "créativité" est plus que jamais la clef de la "création de valeurs" par les agences, on a du mal à retrouver cette créativité,

- en Relations publics, tout le monde, et c'est normal, fonce sur le Digital avec plus ou moins de bonheur mais cela consiste surtout à ajouter du  Digital  à ce que l'on voit depuis 20 ou 30 ans...,

- en Evénements,... beaucoup de danse et  beaucoup de bulles de champagne et on a été  obligé de primer la commémoration du débarquement pour avoir du vrai bel   "'événement",...

Heureusement, quand-même quelques très jolies vraies  idées : le rapport annuel "transformable" et récupérable de Suez Environnement ( ça s'imposait !), le casting jeunes d'Astérix pour avoir sa caricature dans le prochain album et l'opération tweet d'Audi pour faire monter la voiture à distance à chaque tweet...

A PROPOS DES "GUIGNOLS", L'ANOMALIE BOLLORÉ/CANAL+/HAVAS SE POURSUIT....

L'affaire des guignols de l'info, même si elle se tasse un peu, remet d'actualité la profonde  anomalie bien française de la situation....

Passons pour l'instant sur le fait qu'un patron de media puisse être à ce point lié aux activités de l'Etat, notamment par ses énormes intérêts en Afrique. Il n'est pas le seul ( cf Dassault, Lagardère, Bouygues etc); certains prétendent que, sans cela, personne en France  n'aurait les moyens de capitaliser nos media et que ceux-ci seraient tous entre des mains ... "étrangères"  ( voir aussi le récent rachat du Parisien par LVMH/Arnaud...)!

Ici, le problème est différent : sauf erreur de ma part, aucun autre pays  démocratique n'accepte que le même homme ou le même groupe soit à la fois patron de media ( en l'occurence Canal+ par Vivendi mais aussi 20 minutes etc) et patron d'un groupe de publicité  de premier plan incluant tant plusieurs agences de pub ou com (de qualité) que des agences d'achat d'espace qui ont toutes, dans leur fonction, de conseiller leurs clients sur les bons media dans lesquels investir.... Si, en plus, ce patron (et, disent-ils eux-mêmes , le conseil d'administration de Vivendi !) se mêlent en plus de décider sur les programmes ....

Et, face à cette situation dont j'ai déjà parlé, pas un mot nulle part, ni du côté des politiques, ni côté media ni ... nulle part ailleurs. Vive le système à la française !

AUX GRANDS PRIX DE "STRATEGIES", LA LICRA...CHERCHE "DIFFICILEMENT" SON DISCOURS !

Stratégies et ses partenaires remettaient jeudi soir les Grands Prix de la Publicité (Ubisoft), des annonceurs (Meetic) et des Stratégies Media ( Milka). Et ,au milieu de tout ce beau monde de la publicité, était longuement ( et même un peu trop !) présente la LICRA (Lutte contre le racisme)...  Car TF1 ( au travers de ... Laurent Solly), Stratégies et la LICRA avaient fait travailler 8 tandems créatifs sur une campagne pour la LICRA et la  campagne gagnante  sortira à la rentrée. Son président a utilement fait remarquer que  ce travail lui avait énormément apporté car son association en était restée à un discours ( et des modes de communication) plus que traditionnels pendant que ses "adversaires" envahissaient de nouveaux territoires à commencer par les réseaux sociaux.

Mais tout cela m'a laissé plus que perplexe pour plusieurs raisons :

- cette présence inhabituelle au milieu du monde de la pub et aux côtés de TF1 avait un arrière goût de bonne conscience, du genre "qu'est-ce qu'on pourrait bien faire pour se montrer bon citoyen dans le contexte actuel?"...

- le président de la LICRA a rappelé que sa mission était de "lutter contre le racisme et contre l'anti-sémitisme et de promouvoir la laïcité". J'ai plein de raisons de m'en féliciter mais bizarre quand-même que, à l'heure actuelle, on parle de lutter contre l'anti-sémitisme sans un seul  mot sur l'"islamo-phobie". Curieuse façon de promouvoir la laïcité ...

- les "intermèdes" précédents et suivants étaient occupés par le groupe des "Bernadettes" que je ne connaissais pas mais que j'ai trouvé très vulgaire. Bizarre quand-même aux côtés de la LICRA.

Bref, une belle et grande soirée Stratégies  avec de belles pub  bien créatives mais ... un petit goût curieux dans la bouche  quand-même ...

EDELMAN ET WELLCOM RECOMPENSES PAR LE HOLMES REPORT

Le Holmes Report, c'est un peu la bible du marché des RP . Et, chaque année, ils désignent les "Consultancy agencies of the year" pays par pays.

Cette année, deux distinctions particulièrement intéressantes pour la France :

- pour l'ensemble du marché "Pan EMEA" (Europe-Moyen Orient-Afrique), c'est Edelman qui est "nommée". Il est vrai que, en France notamment, depuis le rachat de l'Agence Elan, ils sont dorénavant, avec 160 personnes, en tête du marché.

- pour la France, l'agence nommée est Wellcom que préside Thierry Wellhoff et qui est la plus grosse agence indépendante du marché. Le rapport souligne particulièrement "la qualité de son accompagnement et la pertinence de ses actions" . Le travail réalisé par son Président et l'agence sur les Valeurs n'y est pas non plus pour rien. Wellcom devance, en finale, APCO Worldwide ( nettement plus petite), l'Agence Elan (maintenant fusionnée à Edelman) et Hopscotch. A noter que Wellcom avait déjà été "nommée" en 2010.

Bravo à tous !

ET VOILA QUE "L'INFLUENCE" DEVIENT UNE "NOUVELLE" SCIENCE....

A grands renforts de "flon-flons", deux éminents chercheurs, accompagnés par une pléiade de co-auteurs tous plus que qualifiés, viennent de publier  aux Editions Lavauzelle un ouvrage intitulé "Influentia"; ils ont même créé un site web spécial pour accompagner cela... Il est vrai que "l'influence" est à la mode : la plupart des agences de RP la revendique car c'est un moyen d'"oublier" le terme RP qui était longtemps mal considéré en France et  surtout d'englober la fonction Digitale.

Quand on regarde ce qu'ils mettent dans le terme de communication d"'influence", on trouve l'évolution des comportements, des opinions, la gestion de crise etc, bref presque tout hors  la vente de produits. C'est bien ! Et c'est une bonne chose que des travaux de réflexion soient développés sur tous ces sujets... Mais...

Mais de là à considérer ces approches comme nouvelles... C'est oublier un peu vite ce qu'ont fait notamment les agences corporate dès les années 90. Il n'est pas inutile non plus de se replonger dans l'excellent ouvrage que Jean-Marc Benoit avait consacré, à la demande du SIG,  aux 50 meilleures campagnes gouvernementales sour le titre "Bleu, Blanc,...Pub". C'est oublier un peu vite par exemple toutes les campagnes et actions Sécurité Routière ou de l'ex-CFES ( devenu INPES) pour la santé, ou les changements de numérotations téléphoniques de France Télécom, le passage à l'euro, les anciens recensements de l'INSEE ou les campagnes pour des élections prudhommales par exemple ou celles des organismes sociaux ( CNAM, CNAF, Retraites etc). Tout cela avait bien pour objectif de "faire évoluer les comportements"...

Certes, dans ces moments là, il n'y avait pas encore le Digital. Mais un peu de mémoire, ce n'est pas mal non plus pour "habiller" les nouveautés à la mode !

LES COMMUNICANTS SONT-ILS LES RESPONSABLES DES "DERAPAGES" ... ?

 Dans le dernier numéro de Paris Match, la journaliste Elise Lucet ( son émission "Cash investigation" réunit en moyenne 3 millions de téléspectateurs !) déclare avec  force : "depuis dix ans, les communicants ont pris le pouvoir absolument partout ! Les journalistes doivent faire attention".

Certes ! Mais cela semble à l'ancien journaliste  puis communicant que je suis ... un peu court car :

1- les "communicants" dont elle parle  n'ont jamais eu vraiment le pouvoir ;  c'est d'abord leur boss qui le détient,

2- les "communicants", en l'occurence, ne font  rien d'autre que leur métier et ne font que s'adapter aux besoins et modes de travail des media et nouveaux media  eux-mêmes; c'est nettement exagéré de leur mettre sur le dos les dérapages de plus en plus nombreux...

3- oui, les journalistes doivent "faire attention" comme elle le dit et doivent être formés en conséquence. C'est  l'accélération de la concurrence et  le rythme de plus en plus en temps réel des media qui finissent par créer problème. On l'a bien vu au moment de l'attentat Charlie Hebdo ou, ensuite, l'annonce erronée par l'AFP de la mort de Martin Bouygues...

Alors ? Du boulot  dans les rédactions ( à condition que les patrons de media le leur permettent !) et lors de la formation des futurs journalistes !

LES COOC POUSSENT LA PORTE DES ENTREPRISES....MAIS....

Les COOC ( lire Corporate Open Online Courses) - la version "entreprise" des MOOC des universités et écoles -  gagnent l'univers des entreprises et des DRH et responsables de formation. On en voit bien l'intérêt pour les entreprises ayant un personnel nombreux et géographiquement éclaté. Les Orange, Renault, SFR, Pernod Ricard et d'autres s'y sont mises. Et on commence aussi à trouver des SPOC, " Small Private Online Courses", la version formation en ligne à accès plus restreint pour une trentaine de participants et avec un animateur.

Voilà donc une nouvelle petite (ou grande !) révolution dans l'entreprise. Plutôt positive à deux conditions, me semble-t-il :

+ que le lien soit nettement plus étroit qu'aujourd'hui entre la formation et la communication interne, pour ne pas dire la communication en général. Car on sent bien que la ligne de démarcation devient là de plus en plus ténue; on est bien dans l'univers des "contenus"....

+ que l'on mette d'urgence en place une "nouvelle" politique d'envergure de réhumanisation des rapports personnels dans l'entreprise et d'"événements" à réinventer. Je ne reviens pas sur l'histoire bien connue (et permanente !) de celui qui envoie un mail à son voisin de bureau... Mais, puisque l'on parle de formation, souvenons-nous que les stages et séjours de formation jouent un très grand rôle pour la création de liens transversaux et informels entre les gens ; pour beaucoup d'entre eux, c'est leur seul moment d'échange avec des collègues d'un autre département de l'entreprise  ou... d'un autre pays. Et ces réseaux informels permettent souvent  de compenser le "travail en silos"....

A suivre donc de très près...

LES VOTES DOUBLES CHEZ RENAULT ET LES AUTRES : BIEN AU-DELÀ D'UNE AFFAIRE DE COMMUNICATION FINANCIERE..

Derrière la bataille que mène à juste titre le gouvernement ( voir aussi la récente tribune vigoureuse d' Emmanuel Macron dans Le Monde) sur le vote double pour les actions conservées plus de deux ans, il y a , à l'origine, un problème de communication financière....

La législation boursière française ( et celle d'autres pays) oblige les entreprises cotées à publier des résultats trimestriels...Et, depuis longtemps, j'entends la plupart des patrons du CAC 40 ( Bébear en tête à l'époque !) s'en plaindre. Car, s'ils veulent éviter la spéculation excessive sur leurs titres, il leur faut veiller à ce que leurs résultats "à trois mois" soient recevables. Et, dès lors, pas question d'entamer des réformes ou des investissements de fond et de compétitivité qui, dans un premier temps, risquent de diminuer leurs résultats car ne pouvant produire des effets que dans la durée.

D'où la solution adoptée par de nombreux pays de privilégier les actionnaires qui s'engagent à garder leurs actions dans la durée, en l'occurence deux ans ! Et c'est ce que permet la loi française... à condition que cela ne soit pas refusé par l'assemblée générale de la société. D'où l'offensive de l'Etat chez Renault...

La bataille du gouvernement est donc totalement justifiée, même si, dans le passé, il n'a pas toujours cherché à y jouer son rôle d'actionnaire important. Et , dans l'hostilité de Carlos Ghosn sur ce projet, on en arrive à se demander si, de fait, celui-ci ne cherche  à protéger en premier lieu son pouvoir personnel et, plus encore, ses rémunérations qui sont les plus élevées des patrons français, d'autant qu'il les cumule ( et les double !) avec celles qu'il perçoit de Nissan...

LA PUB QUI SE VEUT (OU NE SE VEUT PAS ....?) "INTRUSIVE"....

Curieuse coïncidence dans le dernier numéro de Stratégies mais bon reflet des interrogations ( ou des hypocrisies ?) en cours sur la fameuse "native " advertising... :

D'abord, pages 12 et 13, Yannick Bolloré, président d'Havas, après de belles tirades sur l'innovation et les data, conclut solennellement son interview : " Il faut bien différencier ce qui relève d'une part de la responsabilité éditoriale du média et d'autre part de la publicité. Il ne faut en aucun cas tenter de manipuler le consommateur ,si-non il se détournera des contenus de brand content"... Bravo ! Sauf, déjà, que j'ai assisté à des réunions  où ses propres équipes essayaient de convaincre leur annonceur de l'intérêt de "négocier" un partenariat avec un quotidien gratuit en échange de 4 pages rédactionnelles sur le sujet qui est le sien et ce qu'il offre....

Et puis, quelques pages plus loin (p. 36 et 37), un très intéressant papier d'Amaury de Rochegonde titré " Les nouvelles frontières des webrédacs"... et consacré aux grands fournisseurs de "contenus " ( Melty Group, , CCM Benchmark, Reworld Media etc). Leurs responsables nous y expliquent que la logique traditionnelle du journalisme est totalement inversée : au lieu de rechercher la bonne info,  les fameux "data" et algorithmes permettent de savoir en temps réel  à quoi s'intéressent les internautes et donc de "fournir" de l'info sur ces sujets là en liaison étroite évidemment avec les annonceurs...On n'est plus "journaliste" ( pas question d'ailleurs d'en avoir la carte !) mais "responsable de chaîne" avec la maîtrise simultanée du "contenu" et de la "régie" : le rédacteur devient "éditeur" avec toute la responsabilité financière qui l'accompagne....: il s'agit de fait de "monétiser l'audience"....

Certes,  ce n'est pas complètement nouveau . Comme dit le PDG de Webedia, "les frontières sont poreuses quand on traite de la mode ou du people avec Pure trend ou Pure People. Comme dans tous les féminins"...Sauf que cette "porosité" gagne peu à peu tous les secteurs... et devient la règle de travail !

Heureusement, il nous reste les beaux discours à la française sur le pluralisme de l'information, la liberté d'expression etc etc....