Le weblog de Philippe Heymann

LES JEUNES COMMUNICATEURS PUBLICS ONT MAINTENANT LEUR BLOG

Les Jeunes Communicateurs Publics (JCP) ont désormais leur blog sur http://communication-publique.fr/ . Bravo à Communication Publique de les avoir accueillis et bravo à eux .. de préparer la relève . Et leur point de vue va nous donner un vent de fraicheur !

L'une de leurs dernières notes traite de la différence entre "communication publique" et "communication politique"... Vieux débat ! 

Je partage tout à fait leurs  définitions. Personnellement, je fais de la communication publique (en agence ou comme consultant) depuis plusieurs dizaines d'années ... quels que soient les gouvernements et je n'ai jamais eu le sentiment de faire de la communication politique même si celle-ci a très clairement une dimension politique. Et c'est bien "la loi"  et l'émetteur qui font la différence.

THIERRY SAUSSEZ ET SON "MANIFESTE POUR L'OPTIMISME"....

Thierry Saussez  vient de publier chez Plon un "Manifeste pour l'optimisme". C'est un grand professionnel de l'opinion et de la communication et il a raison de s'inquiéter du pessimisme actuel des Français et de penser que nous avons plein de raisons de positiver !!!

Mais je le suis nettement moins quand il  prend pour symbole de ce pessimisme le succès de l'essai de Stéphane Essel... Car, dans tout son propos, il semble ne pas prendre vraiment la mesure de ce  "malaise" actuel, cet espèce de "bruit de fond" dont certains commencent à parler ! Car l'accumulation des crises ou "affaires" de tous types, vraies ou fausses,  depuis pas mal d'années,  mène nécessairement au doute... quand cela ne va pas plus loin ou pas encore : les frégates du Moyen-orient ou de Karachi, les épopées successives Bettancourt/Woerth/Maistre & co, les salaires des hauts dirigeants, les 300 000 euros de rémunération de chacun des trois arbitres du litige Tapie, le chômage des jeunes issus de la diversité, notre aide à certains pays qui se dilue dans la corruption,  jusqu'à l'actualité de ces dernières semaines etc etc . Et le succès de Stéphane Essel n'est rien d'autre que le reflet de tout cela.

D'autant que ce doute et ce pessimisme à l'égard de la parole publique, qu'elle soit de gauche ou de droite, mènent tout droit à un doute  plus profond et plus inquiétant  face à notre "système"  politico-socialo-économico-démocratico-libéral. Et l'opinion n'entend pour l'instant  nulle part une voix forte, crédible et responsable qui réponde à ce malaise rampant !

Oui , Thierry Saussez a raison de s'inquiéter du pessimisme des Français. Et la communication publique doit nécessairement prendre tout cela en compte. Mais... la réponse est un peu courte  pour l'instant !

LA LANGUE DE BOIS EN COM. CORPORATE !

Il y a quelques jours, sur une radio, un humoriste recensait toute une série de termes "récurrents" qu'il se faisait fort (et  il en  fit  la démonstration!)  de recaser dans n'importe quel discours sur ... n'importe quel sujet . 

Exemples : mondialisation, transformation, changement, nouvelles technologies, modernisation, adaptation, incertitudes, fluctuations, nouvelles contraintes etc etc

Pur exercice de style ? Ou vraie constante de la communication institutionnelle ???

A rapprocher du scepticisme du public à l'égard du discours des annonceurs et notamment de la parole publique !  

Nos grands créatifs nous parlent régulièrement de "créativité". Il y a peut-être aussi du boulot au niveau du vocabulaire !

LA CAMPAGNE DE RECRUTEMENT EDUCATION NATIONALE FAIT DEBAT ...

Quand je l'ai vue dans la presse et entendue à la radio ces jours derniers, elle m'a paru plutôt claire et directe, cette campagne de recrutement ( quelque 17 000 postes !) de l'Education nationale. Après tout, l'Armée et quelques autres le font aussi dans la sphère publique. Et, en même temps, un petit quelque chose me gênait que je n'arrivais pas à identifier...

Ce "petit quelque chose", les syndicats et les enseignants en poste l'ont perçu tout de suite ! Non pas, comme le dit Mermet sur France Inter, qu'elle soit "mensongère" : tout y est probablement exact !  Et, après tout, puisque cette campagne fait parler d'elle, on peut dire qu'elle "fait le travail" !

Mais l'agence qui l'a conçue a choisi de pas vraiment prendre en compte le contexte du "non-remplacement" etc etc et de l'immense et croissante méfiance de l'opinion à l'égard de la "parole publique" ; car s'exprimer ainsi sans expliquer que le recrutement n'est pas incompatible avec ..., c'est faire un grand pari ou, au contraire, chercher à créer le débat !  Dans ce cas, c'est gagné !

 

LA CREATIVITE PUBLICITAIRE, CA SERT A QUOI FINALEMENT .... ?

Curieuse enquête que celle que  vient de faire Limelight Consulting pour l'AACC auprès de 99 annonceurs et publiée par Stratégies...

Car, certes , 73% déclarent  que, pour eux,  "la créativité est aujourd'hui plus importante qu'hier" (il y en a quand-même 27% qui ne partagent pas cet avis !)... Bon ! Jusque là, rien à dire !

Mais quand on met à se demander quel est le meilleur indicateur  pour mesurer de la  créativité, cela commence à partir dans tous les sens. Et que 59% indiquent que "ce sont les résultats business" n'étonne personne : c'est le moins que l'on puisse attendre d'une campagne produits !

Allons plus loin ! A la question "de qui attendez-vous en priorité cet apport de créativité ?", 39 % seulement citent l'agence de publicité , autant que "la compétence collective en interne"...

Et quand on demande "à quoi sert en priorité la créativité dans la stratégie de communication ?", on entend : 39% pour "émerger dans un univers saturé", 29% pour "créer de la préférence pour la marque", 10% pour "développer le business" etc etc . Bref un méli-melo qui , bien loin d'expliciter en quoi peut aujourd'hui consister la créativité publicitaire", évoque plutôt ... ce que l'on attend tout simplement d'une bonne campagne.

Cela me rappelle un certain nombre de propos  récents  et creux sur le sujet (voir ma note du 10 mai) de Fred et Farid  ou d'autres... Mais, c'est clair, ... je ne suis pas un Créatif (avec un grand C) !

DANS LA FOULEE DE 20 MINUTES, LA PRESSE VA-T-ELLE TOTALEMENT PASSER AU WEB ?

L'information a circulé, quoique apparemment démentie...: à partir du moment où plus de 50% des Français disposeraient d'un téléphone mobile avec web, le journal abandonnerait sa version papier pour devenir uniquement web !

Vaste débat qui interpelle toute la presse écrite et tout l'univers de la communication ... y compris les annonceurs ! Car cela va remettre en cause les fameux "business modèles" de chaque support compte-tenu  notamment de l'écart énorme des tarifs de publicité entre presse écrite et web !

Va-t-on vers la disparition de la presse écrite  d'information pour poursuivre ensuite sur les magazines ?  Une femme  grande lectrice de nombreux magazines féminins me disaient ces jours derniers qu'elle se lassait des montagnes de papier qu'elle récupère chaque semaine ... puis jette et qu'elle allait peu à peu transférer ses abonnement sur sa tablette !

Nul doute que cela va arriver... Surtout avec, en plus, ce que l'on nous annonce sur la "télévision connectée" qui permettra aussi de lire son journal sur grand écran ! Mais avec quelle ampleur ? Personne ne sait exactement : disparition totale du papier ou co-existence des deux modes d'édition ou autre mix encore ?  Les journalistes ne disparaitront pas mais leur métier va continuer à évoluer ; en revanche, les imprimeurs et nos ouvriers du Livre ...

Je voyais ces jours derniers (au musée d'art moderne d'Istanbul) une assez extraordinaire exposition d'"art numérique" qui  anticipe (de combien ?) ce qui peut se passer : nos enfants ou petit-enfants vont-ils, dans leur "appartement" , vivre avec, autour d'eux, de véritables murs d'image qu'il changeront à volonté ... ?  D'ailleurs, en parlant de la Turquie, voilà un pays où à peu près 67% de la population est déjà connectée au web et équipée de mobiles ; qui plus est, le taux individuel de renouvellement des téléphones mobiles y est de 2 à 3 par an ....!!!! Peut-être vont-ils basculer avant nous !

LE SONDAGE DU COMPLOT DSK ET L'INSTITUT CSA....

Le sujet des "conflits d'intérêts" ou,ici, des "intérêts croisés" me tient à coeur car il est symptomatique du "libéralisme à la française"...On en prend les "bonnes" choses et on en écarte les "contraintes" !

De quoi s'agit-il  ici  ?  Dans la foulée de l'affaire DSK, l'institut de sondage CSA lance très vite une enquête à chaud  qui aboutit à la conclusion qu'un nombre important de Français pensent que tout cela est le résultat d'un complot ... Rien de choquant jusque là.

La question est que le CSA appartient à Vincent Bolloré et qu'il est dirigé par Bernard Sananés, en tout état de cause un très grand professionnel. Or Vincent  Bolloré  contrôle l'agence Euro RSCG C&0 qui, elle-même, s'occupe de l'image de DSK . Et Bernard Sananés lui-même était il n'y a pas si longtemps directeur général de la même agence avant de devenir Dircom d'EDF puis d'être récupéré par Bolloré; il  connaît donc on ne peut mieux Stéphane Fouks et les autres...

Je veux bien croire les responsables de CSA quand ils disent qu'ils se sont comportés en professionnels et n'ont eu à ce sujet aucun contact avec les communicants de DSK. Dont acte.

Mais les choses seraient quand même plus simples et plus claires et l'on ne poserait même pas ce genre de questions  si l'on ne trouvait pas dans le même groupe (et ce n'est pas le seul) des activités qui, dans d'autres pays dits "développés" , seraient considérées comme incompatibles....

DE LA VIE PRIVEE DE MAZARINE PINGEOT/MITTERRAND A DSK, LES MEDIA ONT-ILS FAIT LEUR METIER ?

L'ancien journaliste que je suis ne peut rester indifférent au débat actuel sur la façon dont les media jouent leur rôle à propos de la vie privée des personnalités.

Au départ, en ce qui concerne DSK, la presse en général a régulièrement parlé du goût de DSK pour les femmes, ne serait-ce que lors de l'affaire de sa collaboratrice polonaise au FMI mais pas seulement . Pour le reste, y compris pour la jeune femme française "harcelée", la presse pouvait être taxée de diffamation dès lors qu'il n'y avait aucune plainte déposée . La presse a donc été, globalement, dans son rôle.

En revanche, si l'on remonte plus en arrière sur l'affaire Mazarine Pingeot, les choses sont plus discutables. Certes il était normal de  respecter et protéger la vie privée du Président, de la mère et de l'enfant. Mais, à partir du moment où cette seconde famille était logée aux frais de la République et du contribuable, le problème devenait différent : c'est Mitterrand lui-même qui en faisait une affaire "publique". Et, sous cet angle au moins, ce n'était plus du domaine de la vie privée...

En tout état de cause, le débat est et sera permanent. Surtout, il  va prendre une importance croissante et "fulgurante" du fait du phénomène web, facebook, twitter etc. Car, là, les nouvelles vont très vite ! Déjà, certains media ont inventé, pour tourner la difficulté, des rubriques relatant ... ce qui se passe et se raconte sur le web. La tentation devient grande de ne pas se retrouver à la traîne de l'info alors même que l'on ne sait plus très bien ce qui est du domaine de la "rumeur" ou de l'info vérifiée...

A suivre...

FACEBOOK-GOOGLE OU DE L'ETHIQUE EN COMMUNICATION

Si je comprends bien, l'agence Burson Marsteller - une des grandes agences américaines de RP - a mené une action que l'on peut qualifier de "désinformation" ou de rumeurs à la demande de Facebook et destinée à contrer Google....

Cela pose évidemment, pour les agences de communication, la question de l'éthique...Question donc : une agence doit-elle accepter de mener, pour un client, une mission contraire aux règles élémentaires de l'éthique ?

Dans la cas présent, Burson Marsteller applique en principe un code de déontologie ; je crois même me souvenir qu'ils ont une personne responsable de l'éthique dans leur équipe. Et  l'agence explique que, dans la façon dont la mission lui était formulée, cela ne semblait pas contraire à ses principes. Sauf que, apparemment, ils ont mené des actions auprès de la presse ou de blogueurs influents sans révéler qui était leur donneur d'ordre..., ce qui est contraire aux principes de la profession...

La question revient régulièrement quand on est patron d'agence et elle se pose fréquemment en France aussi évidemment . J'ai vécu cette situation à plusieurs reprises.  On peut l'aborder d'au moins deux  façons :

- prendre la même posture qu'un avocat dont le métier est de défendre aussi bien l'innocent que le criminel et donc ... accepter toute mission et toute cause ! D'autant que, bon prétexte, il faut aussi assurer son chiffre d'affaires pour payer ses équipes à la fin du mois....

- refuser toute mission dont le donneur d'ordre ou l'objectif poserait problème.

Mais alors, sur quels critères ? S'il s'agit de quelque chose d' interdit par la loi ou d'un maffioso notoire, cela peut être simple. Mais que dire si un fabricant de cigarettes, société légale et souvent cotée en Bourse,  veut vous confier une mission pour améliorer son image ? Ou si un riche entrepreneur russe vous demande de l'aider à racheter un club de foot même si l'origine de ses fonds n'est pas parfaitement claire ? Ou si Servier vous demande de s'occuper de sa communication de crise ?

Au total, soyons honnête : il n'y a pas de réponse simple ! Peut-on aisément refuser une mission confiée par Facebook ?  Chaque cas "douteux" suppose examen. Il reste que, comme partout,  dans la profession , chacun ne place pas forcément l'éthique au même niveau !

 

L'INTERNE REGARDE VERS L'EXTERIEUR

 Sous ce titre, la dernière livraison de Stratégies consacre un article de Muriel Jaouen à la communication interne et poursuit : " pour reconquérir des salariés devenus méfiants, voire hostiles, les entreprises importent les codes de la communication externe". 

L'article est intéressant et bien documenté. Et un certain nombre de bons acteurs s'y expriment avec justesse : les Publicorp, Sequoia ou Tagaro. Mais il me semble que leurs réponses sont loin d'être à la hauteur du défi actuel et de la gravité croissante de la situation, en particulièrement chez les jeunes salariés.

Car les réponses apportées sont du domaine des moyens et des outils... Or ma conviction forte est que l'on ne résoudra pas le grave malaise actuel en ajoutant x outils de plus, quelle que soit leur qualité ! La racine du mal se situe désormais au niveau du comportement profond des dirigeants et des managers et, d'une certaine façon, des objectifs de l'entreprise...

Si les dirigeants ne sont pas convaincus, comme commencent à l'être quelques grands gourous US du management,  que seule la satisfaction matérielle et morale de leurs salariés leur permettra d'atteindre dans la durée des résultats ambitieux et ne tirent pas toutes les conséquences de cette conviction, il est peu probable que la situation s'améliore. Dans cette perspective là, l'application proposée des codes de la communication externe à l'interne, bref l'approche de "séduction", comporte plus de risques encore que de progrès !