Le weblog de Philippe Heymann

VALEURS D'ENTREPRISES : QUAND LA SÉCURITÉ DEVIENDRA-T-ELLE UNE VALEUR A PART ENTIÈRE ?

J'ai déjà parlé des très intéressants travaux de l'agence Wellcom sur les valeurs d'entreprises et du livre de Thierry Wellhoff. L'agence vient maintenant de publer l'Index International des Valeurs Corporate 2009 qu'elle établit avec le réseau international ECCO dont elle est membre. Il a été réalisé auprès de 3 726 entreprises, 14 secteurs d'activités sur 11 pays et 247 entreprises "multinationales". Bref, c'est du costaud !

Les enseignements sont très nombreux. je n'en retiendrai que quelques-uns :

 

1- le classement Top 10  des valeurs en France par rapport à l'ensemble de l'échantillon international :

           Valeur                     Classement international                     Classement France

        - Qualité                                   1                                                          7

        - Innovation                              2                                                          1

        - Satisfaction client                   3                                                          6

        - Intégrité                                4                                                          3

        - Environnement                       5                                                           -

        - Responsabilité sociale             6                                                          -

        - Succés                                   7                                                           -

        - Savoir-faire/ Excellence         8                                                           9

        - Responsabilité                       9                                                           5

        - Esprit d'équipe                     10                                                           2

        - Respect                                 -                                                           4

       - Partage                                  -                                                           8

       - Proximité                               -                                                          10

    >> deux remarques un peu "brutes" :

        + pour les Français, les valeurs sont plutôt à usage interne et des messages "pleins de bonne volonté"  et de "condescendance" destinés aux collaborateurs : respect, intégrité, esprit d'équipe, partage, proximité et  .... cela semble plutôt destiné "aux troupes" qu'aux dirigeants....

       + pour nos concurrents, arrivent en premier (peut-être parce que le reste leur semble évident !) des valeurs "externes": qualité, satisfaction client, responsabilité sociale (absente du Top 10 français), environnement (idem).

   Et si nos dirigeants d'entreprise s'appliquaient  au moins vraiment à eux-mêmes les valeurs qu'ils mettent en avant !

2- où est donc, en France, la "sécurité" des hommes, des produits, de l'environnement dans tous les sens ? Chez les autres, elle est sans doute incluse dans qualité (en numéro 1 mais seulement en 7 chez nous !),  dans satisfaction client (en 3 mais seulement en 6 chez nous !), dans responsabilité sociale (en 6 mais pas dans les 10 chez nous !) etc.

Cela éclaire , en France, la multitude des suicides ( France Telecom, Renault, Thales et les autres), des accidents (Areva à répététitions multiples et autres) etc.

Et pourquoi cette sécurité des hommes, des produits, de l'environnement ne deviendrait-elle pas une valeur à part entière et prioritaire ?

BNP-PARIBAS ET LES LIMITES D'UNE "BONNE COM"....

BNP-Paribas fait, à mon sens , de très bonnes campagnes de pub : claires, avec des faits précis et non de belles déclarations comme beaucoup d'autres ! Ces jours-ci encore, sa nouvelle campagne sur "10 ans de vie en Seine-Saint Denis" est très bien faite avec des preuves, des faits et des images crédibles .

Et pourtant ... cela ne semble pas suffire à redresser l'image et  à faire oublier le trouble créé par les événements récents successifs, notamment l'affaire du provisionnement des bonus ...

Conclusion "basique" : la com. peut-être la meilleure du monde, si les faits et les comportements ne vont pas dans le même sens ou ne sont pas suffisamment expliqués, cela ne sert désormais à rien !

Un vaste sujet surlequel, évidemment, j'aurai l'occasion de revenir car il est maintenant au coeur de tout !

LA PAROLE ( ET LA COMMUNICATION ) PUBLIQUE EST DEVENUE SUSPECTE !

L'Association Communication Publique  fêtait hier ses vingt ans ! Quel travail accompli et quelles évolutions depuis que Pierre Zemor, qui va maintenant passer le flambeau de la Présidence, l' a créée en 1989 !

Et pourtant, ce que je retiens en premier lieu, et dit par presque tout le monde (sauf évidemment Thierry Saussez, le patron du SIG, et cela se comprend !) est pour le moins inquiétant  : la parole publique est aujourd'hui "decrédibilisée", "suspecte", "sans crédibilité",  "en crise",  pleine de "méfiance" et ... j'en passe !

Les raisons en seraient multiples. Pour Stéphane Fouks, le patron d'EuroRSCG, ( l'un des meilleurs exposés à mon sens  avec celui de Thierry Saussez !)quatre constats :

1- on croit encore que l'on peut séparer le fond et la forme et c'est "anachronique",

2- la com. n'existe que dans la durée,

3- on prend les gens pour des ..., bref on respecte pas le public,

4- la parole publique se méfie de l'opinion et, en même temps, l'opinion se méfie de la parole publique.

Pour Louis Schweitzer, " on n'est jamais assez simple",

Pour d'autres,  la parole publique "va  de plus en plus  vite" et "passe en permanence d'un sujet à un autre" ; résultat :  personne  ne peut plus s'y retrouver...

Pour un autre encore, "toute une partie du grand public (et les jeunes notamment) n'est jamais vraiment touchée par la communication publique .

Bref, tous les communicants publics ont fait un sacré boulot depuis vingt ans  (ils n'avaient d'ailleurs pas beaucoup la parole au Colloque d'hier et c'est dommage !). Mais la tâche qui les attend est encore plus complexe  et ... passionnante !

GRIPPE, DECHETS ETC OU COMMENT LA COM PEUT CHANGER (OU NON ) LES COMPORTEMENTS !

Deux campagnes en cours visent à faire évoluer nos comportements : celle sur la grippe (avec des moyens importants) et une nouvelle sur le thème "économisons les déchets"....

Elles me donnent le sentiment, même si la problématique est totalement différente, d'avoir choisi deux voies opposées avec, en conséquence, des probabilités d'efficacité radicalement différentes :

> la grippe : une campagne directe préconisant une ou deux mesures simples. Conséquence : on peut déjà se dire qu'elle va contribuer à modifier durablement l'hygiène des Français.

> les déchets (campagne ADEME) : aucun "acte" proposé directement mais renvoi sur le site ad hoc ; donc, je vais voir :

- rubrique "particuliers" : une dizaine de mesures certes simples. mais, en les regardant une à une, je me rends compte que c'est ce que je fais déjà  e  que le reste ne s'applique pas vraiment à moi. Donc ... je suis déjà un bon citoyen et ... pas besoin de changer !

> rubrique "entreprises" :  rien mais on me demande de revenir le 17 novembre ! Déjà, j'y ai été une fois et je ne suis pas certain que je prendrai le temps de revenir ; mais, à propos,  on est le 17 et ... toujours rien. Donc un couac quelque part : une campagne  "indirecte"  et lancée alors que l'on n'était pas prêt = argent et temps gaspillés.

A suivre ... 

LA SNCF MET LES CAMIONS SUR LE TRAIN !

Une fois de plus, la SNCF (et son agence)  sort une campagne claire, juste et de bon aloi sur un sujet pourtant difficile , le feroutage. La campagne est multi-media et chaque support est traité dans son style qu'il s'agisse de Tv, de print ou autre.

De plus, la SNCF mène plusieurs campagnes  différentes en parallèle et cela ne me semble poser aucun problème tellement chacune est spécifique et justifiée.

Par rapport à cela, je continue à être bien perplexe sur cette bien ennuyeuse (et à mes yeux inutile) campagne EDF à base de témoignages ennuyeux !

VOILA QUE L'OREAL "SOUTIENT" FRANCOIS-MARIE BANIER....

L'Oréal, qui a une politique de communication importante, professionnelle et de qualité, va soutenir une exposition  quelque part en province du photographe-écrivain François-Marie Banier qui défraye la chronique ( judiciaire compris) suite aux apparentes générosités de Mme Bettencourt, principale actionnaire de L'Oréal. A croire que le photographe n'a pas été assez "soutenu" !

Depuis quelques années, surtout, la plupart des grands groupes ont mis en place des politiques de mécénat incluant des critères de choix rigoureux, justement pour éviter les demandes "délicates" du Président, de sa famille, de ses amis, du Maire de sa maison de campagne qui cherche des fonds pour sa course cycliste etc. Les critères les plus fréquents :

> le (ou les )  "territoire"  : la musique pour la Société Générale, la photographie et les arts décoratifs pour HSBC, les mal-entendants pour France Télécom, le hand-ball pour l'Artisanat etc

> la qualité "humaine", sociale et sociétale du projet ....

> les besoins réels du demandeur....

> l'implication possible du personnel de l'entreprise ...

> la cohérence avec le positionnement ( ici : "parce que vous le valez bien"...)

> les retombées positives d'image,

etc

En l'occurrence, j'ai un peu de mal à attacher l'un ou l'autre de ces critères au "projet Banier". Et, en plus, la société vient apporter son appui à l'un des partis d'un conflit judiciaire.

Etonnant quand-même..Le groupe est-il  donc à ce point à la recherche de retombées médiatiques ?

LA POSTE ET SON STATUT : UN BIEN DIFFICILE PROBLÈME DE COM !

Bercy  signe cette semaine une campagne de pub sur le statut de la Poste. La pleine page Print est simple, claire, directe et directement argumentée.  A titre personnel, je suis complètement convaincu de la nécessité du changement de statut lui-même ; et je pense donc qu'elle est bienvenue.

Il  reste  que c'est là un bien difficile problème de com. sous plusieurs angles :

> la balle (et la querelle)  est partie très vite et plus en débat politique qu'en débat de fond ;  par rapport à cela, la campagne de pub  a raison de  rappeler le véritable enjeu actuel du financement et de la modernisation même si elle arrive tard. Encore que ... le débat est loin d'être clos !

> l'argumentaire est bigrement difficile, surtout à un moment où la polémique France Télécom fait rage. Certes, le Gouvernement est légitime quand il dit  que l'actionnariat public est inscrit dans  la loi;  mais tout le monde sent bien que, le moment venu, on ne pourra refuser, par exemple, des participations croisées avec des concurrents/partenaires européens puis  ... etc. Et la loi sera alors changée...

> certains ne manqueront pas de soulever à nouveau la question de l'utilisation de l'argent public pour communiquer sur un projet qui n'est pas encore voté et  peut donc encore être considéré, à l'heure actuelle, comme un "projet politique". La question  revient chaque fois ,comme ce fut le cas pour la Réforme des Retraites, la Réforme de l'Assurance Maladie ou quelques autres. Or, simultanément, les gens "honnêtes"  (de Foucault par exemple) considèrent depuis longtemps qu'il ne peut y avoir de réforme importante (et de réforme de société ou de comportement en particulier) sans communication pour  informer et sensibiliser l'opinion... Or, en l'occurrence, en France, toucher à La Poste, c'est ... une réforme de société !

Bref, un sacré labyrinthe de communication dont , à ce stade, le Ministère signataire de la campagne se sort plutôt bien !

FRANCE TELECOM OU QUAND LA COM. LOMBARD "FRÔLE" LE SCANDALE !

Décidément, la com n'est pas l'affaire du Président de France Télécom et, à vouloir "communiquer", il finit par "frôler" le scandale !

Ainsi, ses derniers propos relevés dans Le Monde d'hier soir : "je ne peux plus accepter que certains salariés arrivent stressés au travail"... Magnifique pour quelqu'un qui, il y a peu encore, parlait de la "mode des suicides" ! Quelle transformation profonde ... !!! Et, en plus, il voudrait qu'on le croit !

Il est vrai que, cette fois-ci, s'il "l'accepte" encore, il a toute chance de prendre  vraiment la porte.  Espérons  qu'il ne s'applique pas cela à lui-même et ... qu'il n'arrive pas stressé au bureau le matin !

PS : jolie perle aussi lue ces jours derniers à propos de la prise de fonction de Stéphane Richard : l'article racontait que M. Richard avait, instantanément, été sur le terrain pour se rendre compte et qu'il avait "même" été visité un centre d'appel ! Certes, ce mot "même" est sous la plume du journaliste et non de M. Richard mais ... c'est toute une ambiance !

TOTAL ET L'ERIKA : A LA RECHERCHE D'UNE NOUVELLE STRATÉGIE DE COM...?

Grand papier de toute une page hier dans Les Echos à l'occasion de l'ouverture du procès en appel de Total pour l'Erika... J'en ai déjà parlé ; mais, ce qui m'a stupéfié , dans ce papier (fort bien fait), c'est que de Margerie, le patron, explique en long et en large qu'il travaille  sur une nouvelle stratégie de communication pour son groupe...Enfin, diront certains !

Certes, Total a eu la série maximum (pour ne pas dire la "Totale"...) : Erika, AZF, la Birmanie, des résultats financiers faramineux et claironnés, un plan de reconversion  sur un site et je ne parle même pas de quelques faits que les media ont ignoré, genre accidents sur des sites britanniques ou plate-formes. Et il y a bien à chaque fois un problème, une maladresse ou un faux-pas de communication. 

Mais il arrive un moment où , à force de répétition, on ne peut plus vraiment parler de communication mais plutôt de "comportement" et donc de stratégie de l'entreprise :   les dirigeants  se demandent s'ils ne devraient pas mettre en avant les immenses investissements que réalise Total chaque année au lieu de ses profits mais, à ce stade, on préférerait  savoir quelles priorités manageriales et financières la société mettra sur la sécurité de ses travailleurs, de ses sites, de ses transports, de ses clients : à quand la valeur SECURITÉ  au premier plan des choix de l'entreprise ?

Faute de cela, on pourra faire la plus belle com du monde et de magnifiques campagnes et ...on attendra le prochain incident !

CLEARSTREAM, FRANCE TELECOM, POLANSKI, BEN BARKA : DÉSORDRE EN COMMUNICATION DE CRISE....

Règle bien connue de le communication de crise, surtout si elle a une dimension "politique" : éviter lapsus et précipitation !

L'actualité des derniers jours vient ainsi d'en donner quelques édifiants exemples :

> affaire Clearstream : le "lapsus" du "coupable" de notre président....alors même que la justice ne s'est pas encore prononcée,

> affaire France Télécom : le Président Lombard parle de "mode des suicides" après 23 suicides en quelque 18 mois....On avait demandé la démission de Daniel Bouton à la Société Générale pour une "bavure"de quelque milliards (finalement une goutte d'eau par rapport à notre défivcit budgétaire) mais l'Etat confirme à son poste le Président de France Télécom en l'estimant capable de changer radicalement de "mode de management". Y aurait-il eu des soutiens occultes ?

> affaire Polanski en trois épisodes :

  1- la France et la Pologne interviennent d'urgence et officiellement auprès des Etats-Unis alors même qu'il y a bien un "coupable" et qu'il a"plaidé coupable" et qu'il  s'il s'en est sorti par un  "accord" avec la famille , en payant sa caution et en fuyant les Etats-Unis ; notre ministre de la Culture vole aussi à son secours  et les "artistes" considèrent qu'il devrait y avoir ... prescription...

 2- Un juge relance la procédure Interpol vis à vis d'un "coupable" de l'assassinat de Ben Barka qui  remonte à 1965. Bon ! C'est encore plus ancien que l'affaire Polanski et le juge fait son travail. Du coup, il semblerait que le juge ait les oreilles qui sifflent ...

 3 - Une jeune femme est enlevée et  assassinée par un condamné relaché par anticipation et tout le monde  se met à parler de récidive et de "castration chimique".. OK , il y a eu meurtre et c'est peut-être un "malade sexuel" ; mais ... quelle cohérence avec l'affaire Polanski ?

Bref, sous le seul angle de la communication, tout cela fait très désordre !