Le Libé d'hier samedi titre sa une sur "Nous sommes un journal,... pas un restaurant, pas un réseau social, pas un espace culturel, pas un plateau télé, pas un bar, pas un incubateur de start-up...". Et il consacre 4 pages au projet des actionnaires et aux raisons de l' opposition "virulente" des journalistes.
Je suis depuis toujours un lecteur de Libé (et de plusieurs autres quotidiens !) et j'en ai même été l'un des premiers actionnaires individuels. Je ne peux donc être accusé de ne pas aimer ce journal et le travail qu'il fait. Et pourtant, et pourtant, cette fois-ci, je trouve que l'opposition de principe des journalistes est d'une bien courte vue !
Car les problèmes qui agitent Libération sont ceux de toute la presse papier. Et chacun, à sa manière, est à la recherche de solutions d'avenir. Et pas seulement chez nous : sur le sujet, la presse américaine est en première ligne aussi ...
En bref , la presse papier aborde une crise grave qui ne va pas s'arrêter :
- les lecteurs lisent de plus en plus le Digital ou "consomment" des images et des brêves et les jeunes encore plus que les autres. Et le déplorer ne changera rien aux choses !
- la publicité qui, ne l'oublions pas, représente quasi partout 50 à 80% des recettes, au-delà même des effets de crise conjoncturelle, suit le mouvement : elle ira de plus en plus là où seront les "lecteurs" ou leurs futurs acheteurs. On ne peut donc compter sur elle, à terme, pour compenser la baisse des ventes au numéro ou en abonnements !
Alors, chacun cherche sa solution, au-delà même des "rationalisations" ( économies de gestion, locaux, fusion des rédactions papier et web etc) : Le Monde multiplie les diversifications pour être maintenant un vrai groupe ; L'Express met le paquet sur ses suppléments thématiques ; tout le monde en rajoute sur l'agressivité de ses Unes pour arrêter temporairement la chute des ventes etc etc.
Et d'autres se mettent à aller plus loin . Ainsi, Conde Nast (qui édite Vogue, Vanity Fair et bien d'autres) multiplie certes la création de nouveaux titres mais, en même temps, teste la vente en ligne de produits sur son site web, lance avec AD des produits dérivés, ouvre des "Vogue cafés" en Russie, à Dubai et en teste un au Printemps Haussmann à Paris jusqu'au 22 mars....
Certes personne ne peut savoir si le projet des actionnaires de Libé - ils veulent transformer l'ancien garage de la rue Béranger en un vaste lieu socio-culturel "tiré" par la marque Libé - réussira. Mais, c'est évident, il ne peut réussir sans une "marque" Libération forte , concept que les journalistes contestent pourtant en disant "Libé n'est pas une marque"...Et en ne voyant pas d'autre issue que la relance du journal papier pourtant devenu un "gouffre" financier.
Certes, ce projet pose beaucoup de questions qu'il importe de résoudre. Mais ce n'est certainement pas non plus en refusant en bloc de réflechir aux concepts de demain que les journalistes sauveront leur journal !
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