Le weblog de Philippe Heymann

AMAZON, CARREFOUR ET LES AUTRES : A QUI LA PALME DE L'ATTRACTIVITE ?

Etonnant paradoxe dans l'étude réalisée par le cabinet OC&C sur l'attractivité de 289 enseignes présentes dans six grands pays dont la France : c'est Amazon , qui n'a aucun "magasin", qui arrive nettement en tête et se classe premier en Allemagne, au Royaume Uni et aux Etats-Unis. Il est vrai que les critères jouent en sa faveur : avoir fréquenté l'enseigne au moins une fois durant les six mois précédents, la largeur de l'assortiment, , la qualité et l'adéquation des produits aux besoins, le service ainsi que l'atmosphère du magasin...

En France, c'est Picard qui arrive en tête, devant IKEA puis Sephora/Decathlon/ Amazon . Et Vente-privée arrive 6ème, eBay 11ème et Cdiscount 19ème loin devant des enseignes comme Auchan(23ème), Lero-Merlin(24ème)  ou Carrefour 30ème.

Ceci est d'autant plus intéressant que le débat sur l'avenir de la distribution est rouvert... Carrefour est ainsi en train  de reconcevoir entièrement ses hypers avec deux  exemples ouverts en région lyonnaise. Dans le dernier numéro de Stratégies, Olivier Saguez (l'homme qui a notamment conçu le Lafayette Gourmet), s'interroge sur le nouveau concept Carrefour : pour lui, ce n'est pas en multipliant les services et le "plaisir" que les hypers assureront leur avenir ; à ses yeux, leur vertu primordiale reste la rapidité des achats surtout alimentaires et le prix ... Le débat  va se poursuivre , une fois de plus !

 

LA REMISE EN CAUSE DES DIRECTEURS MARKETING !

Le dernier numéro de Stratégies (numéro 1600 du 9/09/2010)  publie un intéressant papier de Gilles Wybo à partir d'une récente étude menée par Accenture auprès de 400 professionnels dans le monde entier. Selon cette étude, la crise aurait eu pour conséquence de remettre en cause le règne, pour ne pas dire la "dictature", du marketing puisque, là aussi, les budgets auraient été fortement rognés !

Mais l'étude constate surtout qu'un concept nouveau et plus large est en train d'émerger : celui de "directeur de l'expérience client" ou de la "stratégie client". Le constat : dans de nombreux groupes, le marketing est largement éclaté entre directions , divisions ou filiales produits/activités ; il faut donc remettre le client au coeur de l'entreprise .... et redonner de la cohérence à l'ensemble ! Voilà une évolution dont on ne peut que se féliciter ; mais, après tout, c'est bien aussi une large part du rôle du "corporate" que de donner cette cohérence ( il a généralement la responsabilité de "la marque")  et pas seulement par rapport au client : la vraie cohérence à rechercher , n'est-ce pas celle du "triangle" clients- salariés - actionnaires - société ?

LES RESEAUX SOCIAUX BOULEVERSENT LA VIE PROFONDE DES ENTREPRISES !

Cela n'est qu'un début même si cela ressemble déjà à une tarte à la crème ! Mais les réseaux sociaux bouleversent de plus en plus en profondeur  la vie des entreprises sous au moins deux angles majeurs ; en voici quelques exemples parmi d'autres : 

> en termes de communication interne, deux mouvements (presque "contradictoires " dans leur esprit) sont en cours :

+ des entreprises, plutôt internationales, développent des "réseaux d"affinités" avec tout l'accompagnement événementiel (trophée mondial, "rencontres " etc) : les golfeurs, les joueurs d'échec ou de piano, les passionnés de timbres etc. L'idée : multiplier les relations transversales et hors hiérarchie au niveau international ; l'arrière-pensée : si l'on prend l'habitude de se parler plus au-delà des frontières, on le fera certainement mieux ensuite sur l'innovation ou le marketing ! La question : comment les salariés vivront-ils à terme "l'intrusion" de l'entreprise dans leur vie privée ou leurs loisirs alors même que des milliers de réseaux de ce type se mettent en place sur le web "hors entreprise" ?

+ d'autres développent les groupes d'échange, de débat, de projets sur des thèmes de l'entreprise, des sortes de groupes de progrès ou des boîtes à idées collectives. L'initiative est intéressante et à suivre de près.

Au-delà, les deux mouvements ont la même conséquence : l'information circule beaucoup plus vite et les salariés se parlent entre eux. Et c'est un vrai progrès ! Mais cela veut dire aussi que, de plus en plus, les dirigeants et les responsables de com maîtrisent de moins en moins l'information interne ; tout se sait encore plus vite...Je laisse à chacun le soin d'en réfléchir les conséquences , notamment une indispensable, et peut-être bénéfique, révolution (lente certainement) de certains  comportements... 

> en termes de communication externe : le Figaro-Economie de vendredi racontait que Singapore Airlines (dont les publicités vantent la qualité , l'accueil et le sourire de ses hôtesses) a "interdit à son personnel de bord de parler de travail sur les réseaux sociaux"...Et, apparemment, la société n'est pas la seule à aller dans ce sens ! On voit bien le problème pour l'image de l'entreprise et il est complexe : chacun se met à raconter l'envers du décor et la réalité interne sur Facebook et autres ! Je comprends bien la réaction de ces entreprises mises en cause; et, en même temps, peut-on réellement "interdire" car, après tout, je raconte ce que je veux  sur mon entreprises quand je dîne  ou prends un pot avec ma famille ou mes amis à la maison ou au bistrot . Vrai problème  mais, peut- être aussi, combat d'arrière-garde ? 

SANANES, NEDJIB ETC...LA COM FAIT SON MERCATO DE RENTRÉE !

On annonce ce matin deux gros mouvements dans la com. corporate qui fait aussi son mercato de rentrée :

> chez EDF, Bernard Sananés s'en irait "déjà" alors qu'il n'a été nommé qu'il y a quelques mois. Je n'en connais pas  encore la raison. Mais, c'est clair, Sananés est un excellent professionnel et il connait à la fois le côté agence (dont il vient) et le côté annonceur puisqu'il fut au ministère de l'Equipement. Mais, c'est vrai, une énorme machine comme EDF est bien autre chose ! On parle de Catherine Gros pour le remplacer; c'est également une remarquable professionnelle qui a déjà travaillé avec Henri Proglio (et plus encore avec Messier !). Voilà qui va réjouir Anne Méaux puisque celle-ci, très fidèle dans ses réseaux, avait recueilli Catherine Gros chez Image Sept après son départ du groupe Vivendi. Mais, là aussi, si cette arrivée se confirme, comment s'intégrera-t-elle, même avec son grand talent, à l'univers EDF ? A suivre...

> chez HSBC, Chantal Nedjib s'en va... Chantal est une figure majeure  et incontournable de la communication corporate en France malgré son extraordinaire fidélité à son bgroupe ex CCF devenu HSBC. On lui doit notamment, ces dernières années, la remarquable installation de la marque HSBC en France. Je connais peu d'aussi belle réussite de changement de nom même si, c'est vrai, HSBC était déjà une très belle marque internationale. Souhaitons lui bon vent pour ses nouveaux projets !

REPENSER LE LANGAGE DES ENTREPRISES...

J'entendais l'autre jour, à la radio, un débat entre plusieurs écrivains qui viennent de consacrer un "roman" à la vie de l'entreprise et une sociologue. En soi, c'est un signe des temps que plusieurs écrivains choisissent ce type de sujet en ce moment même si... ce sont plutôt les aspects négatifs de l'entreprise qui sont soulignés : stress, suicides, licenciements etc . Mais ces choix sont révélateurs !

De leur débat, j'ai aussi retenu deux concepts qui me paraissent importants :

1- le "langage" des entreprises est devenu totalement incompréhensible de leurs salariés : un sombre cocktail d'expressions "managériales" toutes faites qui passent au-dessus de la tête de tout le monde, dépersonnalisent les propos et ne correspondent en rien au langage de la vie réelle ! Ce langage est devenu tellement familier des managers qu'ils ne se rendent même plus compte de l'irréalité de l'environnement ainsi créé...et de son décalage profond !

2- la notion de "métier" tend à disparaître : on a tellement joué la mobilité dans l'entreprise, la polyvalence des fonctions , l'adaptabilité, la transversalité  que "le métier" qui était un ancrage puissant tend à disparaître dans les valeurs de l'entreprise ; et cet ancrage n'est remplacé par rien de concret ou de solide. C'est tout à fait symptômatique dans une société comme France Télécom ! Voilà qui contribue fortement aux pertes de repères.

Merci à nos écrivains d'avoir relevé ces deux dimensions qui méritent un examen attentif !

SACRÉE RENTRÉE POUR LA COM. !

La rentrée s'annonce sacrement chargée pour le monde de la communication, media compris, d'autant que l'été a été plutôt "chaud"...

> Le sujet "diversité" va évidemment rester d'actualité : bagarre entre sondages contradictoires, "petites phrases" et formules-choc  etc etc. Le sujet n'est pourtant pas nouveau mais les politiques ont tout fait pour l'ignorer depuis plein d'années. J'ai pourtant souvenir, dans les années 90, que, m'occupant de la campagne de com du recensement de l'INSEE, on nous demandait de bien vérifier que le casting du spot télé prenait en compte la "diversité" ... des visages ! En même temps, la question tabou était celle de savoir si, en recensant, on pouvait ou non "comptabiliser" les origines et les couleurs ! Le débat n'a pas beaucoup bougé !

> la rigueur et le pouvoir d'achat :   tout est dans le langage une fois de plus ! L 'usage du mot "rigueur" reste "difficile"; et on va raboter pour dix milliards de niches fiscales sans, évidemment, "augmenter les impôts"...

> affaires, procès et com. de crise : nul doute que le feuilleton Bettencourt  ( et quelques autres !) va continuer, d'autant que les syndicats de L'Oréal demandent à savoir pourquoi et comment la société verse plus de 700 000 euros par an à FMB et que le le contrat continue ! Mais on aura droit aussi au compromis Chirac-UMP-Ville de Paris puis à nouveau à Clearstream etc .

Et, comme d'habitude, les responsables de tous bords continueront de dire régulièrement que ... c'est la faute aux media" !

PS : France Televisions a, en Rémy Pflimlin, un nouveau président, un vrai professionnel qui sait écouter et "manager". Curieux quand-même que, ayant considéré que l'on ne pouvait être à la fois directeur de l'information et à l'antenne (ce qui, pour moi, est une évidence) et ayant donné le choix à Arlette Chabot, certains aient annoncé qu'il l'avait "démise de ses fonctions"...

CARREFOUR INVENTE UNE BELLE COM. INTERNE !

Je n'ai pas pu vérifier mais, si j'en crois le récit de Libération d'hier, Carrefour vient de développer une sacrée campagne de communication interne inspirée des meilleurs préceptes de "bourrage de crânes", pour ne pas parler des funestes  "camps de rééducation" ...

Ainsi, des panneaux publicitaires dans les espaces réservés au personnel déclineraient les messages suivants :

- " j'ai un bon salaire pour le travail que je fais"

- " mon manager m'aide"

- "j'ai des opportunités pour évoluer"

- "mon environnement et mes conditions de travail sont bons"  etc 

Il se peut très bien que ces  slogans soient exacts ; le problème n'est pas là...J' ai toujours pensé que la première règle , en com. interne, était la considération... Bel exemple ! Et  la considération passe aujourd'hui d'abord par l'écoute et donc l'expression... En l'occurrence, oui, ... la Direction s'exprime !

A suivre !

RETRAITES, BETTENCOURT ET AUTRES : LES FRANCAIS VEULENT DE L'EQUITÉ !

Ce qui se passe actuellement - que ce soit "les" affaires Bettencourt, la réforme des retraites ou plein d'autres sujets - me rappelle une récente conversation avec un responsable de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) : il me disait que ce qui ressortait le plus des débats terrain menés ces derniers mois par la Commission était le besoin d' EQUITÉ...

Evidemment, lorsque l'on parle d'une infrastructure, d'un aéroport ou d'une ligne TGV, la demande d'équité est plutôt de l'ordre "territorial" : pourquoi chez moi et pas chez les autres ou... l'inverse ! N'empêche...Ce concept d'équité est bien, semble-t-il, une des demandes les plus fortes dans une période de crise et de difficultés...

Un concept qui devrait fortement faire réfléchir les communicants de tous horizons.

AFFAIRE WOERTH ET LES AUTRES... ET COMMUNICATION DE CRISE !

Ce qui se passe tous ces jours-ci à propos de "l'affaire" Woerth mais aussi des cas Christian Blanc etc doit nous faire fortement réfléchir sur la fameuse "communication de crise" ! D'autant que, au moins dans le cas d'Eric Woerth, rien ne permet de penser aujourd'hui qu'il aurait commis quelque chose d'illégal au sens juridique du terme.

Premier constat : l'approche de certains ( ou certaine) gourous de la com ayant pour premier réflexe de dire à leur client qu'il "faut porter plainte" (je l'ai vécu avec eux sur d'autres dossiers) ne tient plus du tout la route !  D'ailleurs, M. Woerth, après l'avoir dit une première fois, n'en a plus du tout parlé !

Surtout, essayons de nous interroger sur les racines de ce qui se passe car, après tout, tous nos gouvernants, de tous bords, ont tous eu  (ou auraient pu avoir !) ce genre d'affaire ... :

 1- c'est banal mais  il existe désormais toute une série de média et moyens technologiques (facebook, le buzz, twitter, Mediapart etc) qui transmettent très vite ces infos. Et, dès lors, les "grands media" (radio, télé ou presse écrite) sont obligés de répercuter ou même, lorsqu'ils le peuvent, de précéder en apportant eux aussi leur lot d'info (Le Monde, Le Point etc).

2- plus profondément, les "acteurs" "anonymes" n'hésitent plus à "raconter" ou à transmettre l'info. Certes, ils peuvent le faire parce qu'ils savent que les media "ad hoc" existent ; mais, plus encore, ils ont envie de le faire car ils sont de plus en plus choqués par ce qu'ils voient ou entendent, notamment en période de crise et d'inégalités croissantes ! Avant, chacun se taisait dans son coin ; aujourd'hui, comme dit Eric Fottorino, chacun a envie "de crier" ...

La leçon vaut pour tous, responsables comme institutions et entreprises :

> plus rien ne peut rester caché longtemps ou indéfiniment ( cf les quantités de pétrole réellement répandues par BP, les suicides chez France Télécom ou d'autres, le trader "ivre" sur le pétrole ou Kerviel etc etc ) .

> il ne s'agit plus de simplement de "gérer des crises" mais de les anticiper ou, plus encore, de faire en sorte  qu'elles n'aient pas de raison de naître....!

Dès lors ce que certains appellent les "conflits d'intérêts", d'autres la "responsabilité politique", d'autres encore la  "responsabilité sociale" sont un seul et même sujet : ce sont les comportements qui sont en cause et le public  accepte de moins en moins qu'ils ne soient pas "responsables"...

On m'accusera sans doute de naïveté. D'autres me diront que, dans quelques semaines, on n'en parlera plus et que tout ... continuera. Certains me diront  aussi que la recherche du profit et de l'intérêt personnel sont inscrits dans les gênes de l'économie de marché à laquelle je crois profondément. Il n'empêche que, à force de se contenter de "gérer des crises" sans modifier les comportements, le système risque fort de finir par scier sa propre branche !

LE MONDE CHOISIT....QU'ON LUI FICHE LA PAIX !

Je ne connais pas les dossiers déposés par les deux "groupes" candidats à la reprise du Monde  et  leurs qualités respectives et  je ne suis ni salarié ni journaliste du Monde (même si j'ai été quinze ans journaliste !)... Mais deux choses me frappent dans le choix des salariés du quotidien en faveur de "Bergé-Pigasse-Niel" :

> d'abord ce sont ceux qui, par rapport à Perdriel, Prisa et Orange pour le net, s'y connaissent le moins en matière de presse.  Même Pigasse qui, s'il est un banquier brillant, n' en a qu'une expérience plutôt récente avec les "Inrockuptibles"....Les équipes auront beau jeu de le leur faire sentir en permanence, de les reléguer dans "la finance" et de s'envelopper dans leur "professionnalisme presse"...

> ce sont ceux que l'interventionnisme politique a finalement, a contrario, jeté dans les bras de la rédaction !

Après cela, on s'étonne que la France n'arrive à faire émerger de grands groupes de presse indépendants du monde des affaires et se retrouve dans le giron  de Bouygues,  Lagardère, Pinault, Arnaud ou Bolloré. Autant de groupes qui, à un moment ou un autre, comme les années passées l'ont montré,  s'embarrassent  finalement encore moins, quand leurs "intérêts supérieurs " sont en jeu,   de l'indépendance des rédactions...Bonne chance (sincère) aux équipes du Monde !