Le weblog de Philippe Heymann

BOLLORE AU POUVOIR A LA FOIS CHEZ CANAL+ ET CHEZ HAVAS, ET PERSONNE N'Y TROUVE A REDIRE !

Une fois encore, on est vraiment un curieux pays ! Ca se bagarre au Parlement et ailleurs sur les cumuls et risques de  conflits d'intérêts des députés et sénateurs ; et, en même temps, personne, même chez les publicitaires,  ne soulève la moindre objection au "cumul" du pouvoir effectif de Vincent Bolloré chez Canal+ ( via Vivendi) et chez Havas qui, par ses agences de pub et d'achat d'espace, conseille les annonceurs sur les media où investir... Et cela va s'amplifier puisque Vivendi va se séparer de SFR et que Arnaud de Puyfontaine va arriver pour en faire un vrai groupe de media et contenus...Le tout sans parler des liens entre tout cela et ... la politique africaine de la France...

Je n'ai rien contre Bolloré lui-même, sans doute un remarquable dirigeant et homme d'affaires. Et il n'est pas le seul dans cette situation : Publicis est agence de pub/agence d'achat d'espace et ... régisseur de pub. de plusieurs media + des intérêts dans des media ; Bouygues ( avec TF1) est grand consommateur de marchés publics de TP; Dassault ( Le Figaro & Co) vend des avions à l'Etat ; Arnault, côté en Bourse, contrôle Les Echos ; quant à Lagardère , il est maintenant largement sorti de tout cela mais, pendant longtemps, il contrôlait moult media tout en étant associé à l'Etat dans le groupe EADS...

Certes, ils jurent tous qu'il y a une "muraille de Chine" entre leurs diverses activités. C'est certainement vrai au niveau des équipes opérationnelles mais ... quid au niveau des drigeants et de "l'effet de connivence" ? J'en ai déjà souvent parlé mais la France est, à ma connaissance, le seul grand pays démocratique qui accepte une telle situation... ! Mais, c'est vrai, si l'on s'étonne pour Bolloré, il faut le faire aussi pour tous les autres. ... Qui osera ?

LA MORT DE JACQUES HINTZY : IL A INITIE LA COM CORPORATE EN FRANCE

Jacques Hintzy est mort dimanche. Avant qu'il devienne le brillant et omni-présent Président d'Unicef France, j'ai eu le privilège d'être son associé pendant dix ans. Ensemble, nous avions créé Hintzy Heymann & Associés qui, dans les années 90, fut l'une des toutes premières agences de communication corporate et la plus importante indépendante, avant même l'apparition des Publicis Consultants ou EuroRSCG divers.

En fait, Jacques avait eu bien avant les autres  l'intuition de la com corporate et institutionnelle avant que le mot ne se répande.  Il fut le communicant de la campagne gagnante de Giscard .Dès les années 80, après un brillant parcours chez le Havas de l'époque ( avec Jacques Douce et Bernard Brochand) et après avoir présidé quelques années Leo Burnett en France, il avait créé Opus Hintzy dont la vocation était "déjà" le "marketing des idées". De cette époque, on lui doit la com du premier changement de numérotation  ( 6 chiffres) de France Télécom : la campagne télé de Zitrone et la petite fille + un gros téléphone !

Par la suite, nous avons fait ensemble le second changement de numérotation de France Télécom ( dix chiffres! ) mais aussi plein de campagnes publiques : "le bon usage du médicament" pour l'INPES de l'époque, les élections prudhomales, la première campagne de ex-COGEMA devenue Areva, l'une des premières campagne de recrutement de l'Armée de Terre etc etc.

C'est sans doute lui qui a le plus contribué à diffuser le concept de communication corporate en France avant d'apporter son énergie et sa générosité aux enfants de l'Unicef.

Toute l'équipe de son agence  est fière d'avoir travaillé avec lui et toutes nos pensées vont à sa femme Laurence, à ses fils et à sa fille Joséphine .

PEUT-ON VRAIMENT MESURER L'INFLUENCE ?

A mesure que le web et l'e-influence prennent une part croissante dans les budgets de com., la mesure de cette influence devient un sujet majeur. Dimitri Granger et Jolakim Tuil de Publicis Consultants Net Intelligenz développeNT sur ce sujet une opinion intéressante dans le Stratégies d'aujourd'hui (daté du 3/11).

En résumé :

+ il faut désormais distinguer au moins trois types d'influence : l'influence verticale avec les médias et les personnalités , l'influence horizontale avec les influenceurs et l'influence ascendante avec les consommateurs hyper-connectés,

+ qui plus est, les échelles de grandeur sont radicalement différentes selon que l'on opère dans les nouvelles technologies, la mode ou... la chimie,

Conclusion : " il faut redéfinir durablement les standards de l'influence sans naîveté ni simplisme"... Ils ont certes raison mais... plus facile à dire qu'à faire, surtout dans un univers qui bouge à une telle vitesse et où nouveaux venus ou nouvelles applications et ... pertes d'influence  foisonnent. Et c'est pourtant un enjeu majeur.

LE COMMERCE EN LIGNE, UNE VRAIE REVOLUTION

Stéphane Treppoz publie une remarquable tribune dans le Stratégies du 26/9 sous le titre : "La croissance du commerce en ligne : transition ou révolution ?". Et sa conclusion est sans nuance : c'est bien d'une révolution dont il s'agit...

Stéphane Treppoz sait de quoi il parle : il est le fondateur et président de Sarenza qui a ait une extraordinaire percée internationale pour la vente en ligne de ... chaussures ! Si, comme pour  les vêtements, on a toujours pensé qu'on ne peut acheter sans essayer... eh bien, on s'est trompé ! A condition évidemment que le "service" ( et la possibilité de renvoi) soit parfait !

Certes, la distribution traditionnelle pourra essayer de capitaliser sur ses points forts : le contact humain et la gratification immédiate de partir avec ses achats. Mais il faut bien reconnaître que côté "contact humain", beaucoup de commerces ont un sacré chemin à parcourir !

En attendant, que chacun se prépare à se mettre au commerce en ligne. Et ...pour ceux qui veulent s'y lancer, les CARNETSDECOM dont je suis l'éditeur viennent de publier un nouveau  "carnet", signé de Yann Denoual et Sébastien Claeys :" La vente en ligne, je me lance". En 28 pages denses, tout ce qu'il faut savoir pour créer, animer, gérer et promouvoir sa boutique en ligne. Voir http://www.carnetsdecom.com.Voir

LES BANQUES SE METRAIENT-ELLES ENFIN A FINANCER LA COM ???

Bonne nouvelle : je lis que la BPI vient d'accorder un prêt de 1,1 millions d'euros à l'agence de design 100Degrés pour financer son développement international et une "innovation verrière" dans l'univers du packaging et du flaconnage verrier...

Le monde bancaire sortirait-il de sa frilosité à l'égard des agences de taille petite ou moyenne ?

Il est vrai que 100Degrés est une réussite spectaculaire et occupe une place de choix notamment dans le design des flacons de parfums. Mais pas seulement ! Surtout, ils ont progressivement ouvert un bureau à Shangai et ensuite au Brésil.

Les nouvelles de ce genre sont trop rares pour ne pas les citer et s'en réjouir !

COLLECTIVITES LOCALES : QUID DE LEURS DEPENSES DE COM. ... ?

La cour des comptes vient de publier un rapport sévère sur les finances des collectivités locales...

Mon métier principal actuel est d'aider les collectivités publiques (Etat, Etablissements publics et autres collectivités) à gérer leurs dépenses de communication et leurs relations avec leurs prestataires de com ; et mes dix ans d'expérience en ce domaine montrent que l'on peut aisément économiser 5 à 10% des dits budgets et parfois plus !  Ainsi, les économies réalisées sont pratiquement toujours 3 à 10 fois supérieures au coût de  telles missions.

Or je constate que je travaille pour le compte de bon nombre de  grands ministères et établissements publics mais je n'ai jamais été sollicité par la moindre collectivité locale ( région, conseil général ou mairie) alors que certaines ont des dépenses de com conséquentes... même si les budgets sont nettement moins lourds et moins chers qu'au niveau national.

Dès lors, trois hypothèses au moins :

1- leurs équipes de com sont infiniment plus compétentes et efficaces que celles des grands ministères et elles n'ont donc pas besoin de quelqu'un d'extérieur...,

2- leurs prestataires sont presque toujours des locaux ou régionaux... Ce sont donc aussi des électeurs et il ne faut pas trop les titiller,

3- les élus ne tiennent pas trop à ce que l'on aille regarder quelles dépenses de com sont exactement payées par la collectivité et... pour qui et pourquoi...

Bref, choisissez votre hypothèse...

 

MICHEL & AUGUSTIN SE PASSE D'AGENCE DE PUB...

Comme le raconte Benoît Georges dans un très bon papier des Echos d'aujourd'hui, voilà donc une entreprise, Michel & Augustin ( et ses snacks !) qui a maintenant près de dix ans d'expérience, qui double son chiffre d'affaires  tous les deux ans ( 24,6 millions estimés pour 2013), qui ne fabrique rien elle-même mais qui, en revanche, assure en interne la totalité  foisonnante de son marketing, de sa pub, de ses événements et a même reçu en 2010 le prix Phénix de l'Union des Annonceurs.

Il est vrai que ses deux fondateurs sont passés par l'ESCP mais..., un exemple à regarder de près et qui devrait faire réfléchir les agences. 

Espérons pour elles que cela ne va pas inspirer le groupe Pinault qui en   contrôle  70% du capital depuis 2009...

BIG BROTHER ENVAHIT LES RH.....

Très bon dossier de Stratégies du 5/09 sur " les nouvelles voies de la communication interne". Et un article très bien documenté de Gilles Wybo titré " comment les data révolutionnent les RH" ... qui fait froid dans le dos !

En bref, le  phénomène des "big data" part à la conquête des DRH : rechercher les mots-clés dans la masse des CV reçus, vérifier la réalité des diplômes annoncés, comparer les performances professionnelles et "humaines" des collaborateurs avec les banques de données etc etc . L'article se termine par : "Avant, dans les groupes, l'analyse (psychométrique) portait sur le Top 50 ou 60 des dirigeants. Avec le big data, SHL travaille désormais sur le Top 3000 des entreprises"... 

Quel progrès ! Si, au moins, cela permettait de prévenir et diminuer les suicides en entreprise....

Heureusement, petite compensation, un responsable de la CNIL explique que celle-ci va bientôt mettre des limites à l'utilisation massives des données au profit des RH. Ainsi, on pourrait se servir de Linked In mais pas de Facebook. Bref, ... on court derrière !

LA FUSION PUBLICIS-OMNICOM : UN BON COUP... POUR QUI...???

Pour être un joli coup, c'est un joli coup que le rapprochement Pubicis Groupe/Omnicom Groupe pour former le premier groupe mondial de publicité devant WPP. Et inattendu !

Le discours "officiel" est magnifique évidemment : une fusion "entre égaux" et qui servira à la fois l'intérêt des clients ( grâce notamment à une puissance d'achat media encore plus forte, les annonceurs seront censés payer leurs campagnes moins cher !) et ... l'emploi !

Certes, je n'en connais pas les détails ; et tout le monde sait que, une fusion, c'est avec le temps que l'on voit si elle réussit et... Pour qui ? En ce qui me concerne, j'ai quand-même pas mal de perplexités :

+ créer de l'emploi ?  Voire ! D'abord,  au-delà du discours, on n'a jamais vu une fusion qui ne commence pas par des compressions d'effectifs, ne serait-ce que dans les fonctions supports. Ensuite, parce que tant Publicis qu' Omnicom  se sont historiquement développés plus par rachats successifs que par "croissance interne" créatrice d'emploi ! De plus, de ce que je connais (et pratique) de ces deux groupes, bon nombre des  "patrons" passent plus de temps à surveiller le jeu de chaises musicales et à savoir qui prendra le job de qui qu'à créer des emplois ou s'occuper des clients ! Qui plus est, aucun des deux n'a jamais brillé dans le savoir-faire coexister des cultures différentes....

+ l'intérêt des clients ? Ils sont, en simplifiant, de deux sortes :

    - les clients "achat d'espace" ( OMD pour Omnicom, Zenith et quelques autres pour Publicis) : là, je ne suis pas certain que, au point où l'on en est déjà,  encore plus de taille aboutira   forcément à des tarifs media encore plus bas ; ou alors ce sont les media qui vont "trinquer"...

   - les clients "agences" : alors là, je m'interroge ! Car rien qu'en France, Omnicom a déjà au moins trois réseaux ( TBWA, DDB et BBDO) et Publicis un bon 5 ou 6 mini ( Publicis, Saatchi, Leo Burnett etc.). Nous voilà donc avec un même groupe coiffant pas loin d'une bonne dizaine d'agences rien qu'en France... On a beau nous raconter que, entre eux, ils ne se parlent pas...;  c'est vrai au niveau des équipes opérationnelles mais ,quand des enjeux d'appels d'offres, de gains de budgets ou  "autres" ,se présentent, les boss n'hésitent pas à en parler....Bref, dans des compétitions, on a de plus en plus de mal à éviter que, sur quatre compétiteurs, il n'y en ait pas deux du même groupe... On va finir, comme on commence à le voir, par commencer par choisir son groupe (ou son boss !) puis à mettre en compétition les agences de ce groupe ! Mais si, après tout, cela peut permettre à des agences moyennes de mieux émerger, tant mieux !

+ quant au consommateur... ( eh oui !), si j'en crois les propos même de Maurice Lévy, il s'agit de mieux peser sur les geants du Net pour qu'ils partagent avec les publicitaires les données "personnelles" dont ils disposent. Bref, encore un peu plus d'intrusion auprès du public qui la déplore déjà !

Alors ? Alors ? Certainement un bon coup pour Maurice Levy qui, passé les trente premiers mois, va garder la présidence ( ... non éxécutive !) du nouvel ensemble ; une bonne occasion pour Elisabeth Badinter d'être diluée et de pouvoir peu à peu sortir "discrétement" d'un groupe également coté aux USA. Un bon coup pour un groupe qui aura encore plus de moyens pour continuer ses emplettes, notamment dans le Digital !  

Le reste..., à voir !

CE QUE GALLOIS N'A PAS DIT : LA COMMUNICATION INTERNE EST ESSENTIELLE POUR LA COMPETITIVITÉ

Depuis le rapport Gallois et dans tout ce grand débat sur la compétitivité des entreprises françaises, je me sens plus que mal à l'aise, surtout face aux multiples discours sur le coût du travail. D'autant que les chiffres publiés ne démontrent pas vraiment que nos coûts salariaux sont nettement plus élevés que ceux des Allemands. Mais surtout, que diable !, comment se fait-il alors qu'un bon paquet d'entreprises farnçaises de toute taille et fabriquant largement en France soient et continuent à être des leaders mondiaux de leur secteur...?

Il doit donc bien y avoir autre chose et ce quelque chose n'apparait guère dans les discours patronaux divers. Je ne suis pas un grand économiste, mais   ce "quelque chose" est, à mes yeux, de deux natures :

+ le tandem qualité/innovation, bref le produit ou le service rendu qui est à la pointe mondiale  de la qualité dans le secteur concerné ; la lecture quotidienne par exemple des Echos nous en fournit d'innombrables exemples,

+ le management et le "capital humain" de l'entreprise : tout ce que je lis sur les entreprises qui réussissent ou sortent de la crise témoigne, à chaque fois, que c'est d' un formidable travail interne que vient la réussite : reconnaissance, initiative, responsabilité, respect des équipes ..., bref tout ce pour quoi se bat la communication interne. 

Dans une récente opinion publiée par Stratégies du 27/06, Vincent Brulois et Jean-Marie Charpentier le confirment : "une crise, disent-ils,une opportunité de refaire société en entreprise"..." La communication aujourd'hui doit s'atteler à construire un équilibre nouveau entre efficacité de l'entreprise et émancipation de l'individu au travail", écrivent-ils.

Pour moi, ce n'est même pas d'un équilibre qu'il s'agit : la communication interne est la condition même de la compétitivité !