Le weblog de Philippe Heymann

LES AGENCES NOTENT LES COMPÉTITIONS : OUI MAIS .....

L'AACC vient de procéder à une enquête visant à noter les compétitions et à arriver à un classement des Annonceurs "vertueux". Son but était manifestement de "jeter un pavé dans la marre" et je comprends que l'UDA soit un peu agacée par cette "opération" non concertée....Mais, sur le fond, c'est intéressant.

Après avoir été côté Agence pendant longtemps, je participe maintenant  , côté annonceur, à un certain nombre de compétitions relevant du code des marchés publics, donc essentiellement des Ministères et des Etablissements publics. Cette expérience m'amène à réagir principalement sur les critères de classement utilisés :

- le nombre d'agences consultées : c'est un point important et justifié compte-tenu du très lourd investissement que cela représente pour chaque agence ;   les compétitions dont j'ai pu m'occuper ont d'ailleurs rarement dépassé 4 agences consultées ( 5 une seule fois),

- le nombre d'agences en finale :  justifié aussi pour les mêmes raisons ; pour les marchés publics, si l'on est en procédure restreinte, il n'y a de fait qu'un seul tour. Dans les dialogues compétitifs, la plupart démarrent avec 4 agences et ce nombre est généralement ramené à 3 ou 2 à mesure que l'on avance.

- la divulgation du nom des agences participant à la compétition : je comprends bien ce qui intéresse là les agences mais je ne partage pas du tout ce point de vue. Car cela aboutit à ce que chacun se "positionne" non pas prioritairement par rapport à ce qu'il pense devoir recommander à son client mais par rapport à ce qu'il considère que seront, pour gagner, ses forces et ses faiblesses à lui comparées à celles de  de ses concurrents....

- le dédommagement des agences non retenues : vieux débat que je trouve justifié, au moins au niveau des frais techniques engagés. Mais aller plus loin, c'est "oublier" que ces temps d'appels d'offres sont intégralement pris en compte par les agences dans le calcul de leurs prix de journée et d'Honoraires pour les appels d'offres qu'ils gagnent. Si l'on va dans ce sens, alors faut-il discuter aussi ... les prix de journée et les Honoraires !

- l'annonce préalable du montant du budget : là, il me semble que cela dépend des cas. En général, oui, c'est justifié. Mais il y a aussi beaucoup de cas où l'annonceur a lui-même besoin que les agences lui disent combien, à leurs yeux, il doit investir pour atteindre l'objectif qu'il recherche....Mais les agences , dans ce cas, jouent-elles vraiment le jeu ?

Au total, oui, c'est un sujet qu'il faut remettre régulièrement sur la table mais peut-être pas de façn aussi unilatérale !

TOTAL, ERIKA, ENVIRONNEMENT ET LES NOUVELLES APPROCHES DU MANAGEMENT...

Dans l'affaire actuelle de l'Erika, je ne suis pas juriste mais  il est normal que ce soit, en justice, le droit qui prime même si   je comprends parfaitement l'énorme anomalie  "morale" que créerait l'annulation de la condamnation de ceux qui ont  causé ces dégâts écologiques.

Il reste que , depuis quelques temps, les travaux de plusieurs gourous américains du management ( genre ceux qui écrivent dans la Harvard Business Review et multiplie les missions de conseil dans les entreprises) nous expliquent que, de plus en plus, les entreprises qui réussiront seront celles qui prendront totalement et "spontanément"  en compte  leur vraie  "responsabilité sociale" dans toutes ses dimensions...

En l'occurence , on sent bien le dégât d'image interne et externe que  représentera , pour ne parler que de Total, le fait d'être "exonérée" des quelques centaines de millions d'euros d'indemnités prévues. Si l'on suit les préconisations de ces gourous, Total ( seule ou avec  ceux qui sont condamnés avec elle) devrait se préparer à annoncer , le jour de septembre où cela se produira, qu'elle maintient  "de façon volontaire", les indemnités en cause....

Voilà un bon test de la vraie volonté de  "RSE" de la part  de l'un de nos plus grands groupes industriels....De façon plus cynique, ce serait même, pour Total, un très bel investissement de communication !

LES RESEAUX SOCIAUX AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ INTERNE DE L'ENTREPRISE...

Interessante enquête réalisée par Millward Brown pour Google auprès de 2 700 salariés de sept pays européens. Parmi les résultats , 69% des cadres interrogés pensent que les entreprises n'utilisant pas les réseaux sociaux vont se développer moins vite.

En l'occurence, il s'agit de l'usage  interne à l'entreprise des réseaux sociaux. Beaucoup s'y sont déjà engagés heureusement. Mais, quand on connait la difficulté à créer de la "transversalité", de l'échange d'idées, de bonnes pratiques et d'expériences , on voit bien tout ce que l'on peut en tirer...

Il reste que, même lorsque l'on met en place d'indispensables règles, cela vient bouleverser très profondément les modes actuels de fonctionnement et de management. Les résistances risquent donc d'être fortes. 

Mais, pour ceux qui, comme moi, pensent que la compétitivité d'une entreprise passe d'abord d'une part par son positionnement innovant, d'autre part par sa "dynamique interne", il y a là de belles pistes à parcourir !

LES COMMUNICANTS DE FRANÇOIS HOLLANDE ... ???

Au fil des magazines et des jours, des noms divers apparaissent quant aux professionnels de la communication qui, au-delà de l'équipe officielle de campagne, ont "conseillé" ou travaillé pour le nouveau Président de la République pendant sa longue ascension. Et cela sans que l'on sache toujours  ce qu'ils ont vraiment fait ou, même, s'ils n'ont pas eux-mêmes parfois fait filtrer leur nom ...!

Parmi les noms que j'ai pu glaner ici et là,  en voici, avec beaucoup de prudence, quelques-uns qui reviennent souvent :-

+ l'équipe de BDDP & Fils, menée par François Blachère et Marco de la Fuente, qui, dans le dernier numéro de Stratégies, est présentée comme ayant été "l'agence" de la campagne : charte graphique, films, spots, affiches etc ; bref, le vrai boulot d'une agence de com.

+ Nicolas Bordas, le patron de TBWA : son nom est plusieurs fois cité sans que l'on sache exactement pour quelle mission de "conseil",

+ Robert Zarader, l'un des meilleurs pro de la com institutionnelle,  un vrai "stratège", aujourd'hui patron de l'agence Equancy & Co. Il connait FH de longue date et aurait été l'un des tout premiers à l'aider à réfléchir. Au-delà, il est, comme toujours, très discret.

+ Claude Sérillon, lui aussi ami de longue date du Président : on imagine bien sur quels registres il a pu travailler.

Et, dans les noms qui reviennent, on cite aussi régulièrement celui de Paul Boury, le lobbyiste. Il avait déjà ses entrées à l'Elysée de par ses liens anciens et étroits  avec Raymond Soubie. Avec le talent qu'on lui connait, il a su aussi nouer les choses à gauche. Il est vrai qu'ils ont pu se connaître à HEC où ils étaient de deux promos qui se suivaient.

LA COHERENCE EN COM. : LES ENTREPRISES DEVRAIENT BIEN S'INSPIRER DE CERTAINS POLITIQUES....

Lorsque l'on  commence à prendre un peu de recul par rapport aux élections présidentielles et que l'on lit les analyses de tous types , on voit bien qu' un facteur clef de la communication de François Hollande a été la cohérence absolue : cohérence du discours certes mais cohérence de tout le reste aussi : les comportements externes et internes , les propos divers, les signes émis (je crois beaucoup aux "signes" en communication) et cela tant de sa part que de la part de ses proches, de ses porte-parole et de tous ceux qui l'entouraient....

Bien des entreprises feraient bien de réfléchir à cette fameuse cohérence . Le concept peut paraître évident ; et pourtant, et pourtant ... combien de fois assiste-t-on à un  beau discours  officiel ou publicitaire tout à coup démenti par une annonce, un comportement interne, un "signe" inattendu, un produit qui détonne etc etc.

Les politiques ont certes, de tous temps, beaucoup emprunté à la vie économique et à la com./marketing pour faire évoluer leur communication. Pour une fois, l'inverse serait peut-être utile !

CA REMUE FORT CHEZ EURO RSCG/HAVAS !

Mettons donc bout à bout toute une série d'infos ou d'événements des derniers mois :

- le groupe annonce que le nom d'EURO RSCG sera bientôt remplacé par celui de Havas ( = retour aux sources !),

- Euro RSCG C&0 et quelques autres déménagent du bord de Seine à Suresnes pour rejoindre, tous ensemble,  un nouvel immeuble flambant neuf au bord de Seine à Puteaux. L'immeuble y jouxte celui du groupe Bolloré et je crois comprendre que les deux immeubles communiquent directement par le 7ème étage, celui des dirigeants....

- Cette semaine, on apprend la démission de Laurent Habib, le patron opérationnel et  figure de proue, avec Stéphane Fouks, d'Euro RSCG C & 0. Comme tout le monde le dit dans ces cas là, et c'est plausible, il veut aller créer sa propre agence (avec une participation minoritaire de Vincent Bolloré !)

- La rumeur rapporte que , s'il se trouvait en disponibilité, Franck Louvrier pourrait rejoindre le groupe....

La suite au prochain numéro ! 

COMMENT RECRÉDIBILISER LA PAROLE PUBLIQUE...ET CELLE DES ENTREPRISES ?

L'Association Communication Publique tenait vendredi son assemblée générale annuelle et, comme chaque année, y avait organisé un remarquable débat.

L'intervention de Jean-Claude Casanova, président de la Fondation des sciences politiques, était particulièrement passionnante...malgré son "pessimisme". Parmi les propos  retenus "à ma manière" :

+ partout, et pas seulement chez nous, le degré de confiance vis à vis de toutes les institutions décroit,

+ les causes principales :

     • des causes de "société" : le vieillissement (on a donc plus d'expérience pour "décoder"), les progrès de l'éducation (idem), le développement des liens sociaux de tous types ( > plus d'esprit critique), l'usure des systèmes démocratiques, la violence politique,

     • des causes tenant aux "élites" : lorsque les élites ne font pas confiance aux autres,ces "autres" le perçoivent et le leur rendent ,

    • les exigences non respectées : conflits d'intérêts, cumuls de mandats ou de fonctions, "affaires" etc

Pour lui, on peut aussi ajouter que la proximité accroît la méfiance et  qu'une certaine forme de transparence sème le doute... Et plus les individus sont dépendants les uns des autres (ce qui est le cas de nos sociétés modernes) , plus la méfiance s'accroit...

En contre-poids, fort heureusement, Eric Zajdermann, l'un des meilleurs communicants sur les sujets publics( Il s'est occupé notamment de la Sécurité routière pendant plein d'années), est venu donner des exemples de communication publique de terrain réussie et "crédible" avec le cas de la gratuité des transports publics à Aubagne. Une belle leçon de com. ... qui dépasse la com. habituelle en se préoccupant des valeurs...

Car les orateurs se sont accordés à reconnaître que, du côté des entreprises, on constate le même phénomène. Et , pour y répondre, certaines passent de la communication sur le produit à la communication sur les valeurs... Mais cela, c'est vrai, n'est possible que si c'est incarné par tous à commencer par les plus hauts dirigeants de l'entreprise !

Bref, une séance passionnante !

 

LA FRANCE DECOUVRE LE "FACT-CHECKING"....

Intéressant mais mais très surprenant  article  de Delphine Masson dans la dernière livraison de Stratégies sous le titre "A l'épreuve du fact-checking"...En bref, la presse, les communicants et les "responsables" français, à la faveur d'une campagne présidentielle très "chiffrée" , découvrent que faits et chiffres  méritent d'être vérifiés et que les media ne doivent pas se limiter à retransmettre tels quels les propos et déclarations qui leurs sont délivrés" ...!!!

Il est vrai que, pour beaucoup, c'est une "découverte" mais...  les bras m'en tombent ! Certes, les journalistes économiques ont toujours été plus soucieux de cela que les journalistes politiques. Et, à l'époque où j'étais journaliste, ce sont largement mes collègues allemands , britanniques et américains qui m'ont inculqué cette pratique. Le modèle  était même le Reader's Digest où des équipes de vérificateurs contrôlaient le moindre mot de chaque article à publier...

 Bien  plus que les politiques, les entreprises (en particulier celles qui sont cotées en Bourse) ne peuvent se permettre de lancer des chiffres et des faits  inexacts. Mais beaucoup sont celles qui, logiquement,  présentent plutôt le bon côté des choses sans trop communiquer sur le reste ; je pense au "green-washing", aux méthodes de management, aux échecs, au climat interne etc. etc.

Dans le même article , deux  communicants  très bons professionnels  s'inquiètent de ce "fact-checking" ; pour eux, cela risque de rendre  la communication "lisse", "formatée", "sans spontanéité"...Réaction compréhensible. Mais préfèrent-ils des propos inexacts et/ou tronqués  ? Et le rôle des communicants n'est-il pas justement de préparer des argumentaires à la fois convaincants, percutants et éxacts ; ou alors faut-il poursuivre sur le chemin des fameux "éléments de langage", très à la mode actuellement, qui aboutissent à des propos simplificateurs, souvent provocants ,  et ... servilement répercutés ?

Si la campagne actuelle aboutit  à mettre le "fact checking" en pratique chez nous, elle aura déjà servi à quelque chose !

ARNAUD, RIBOUD, PROGLIO, DANONE, L'OREAL, ESSILOR ETC ET LA BONNE ET MOINS BONNE REPUTATION DES ENTREPRISES ET DE LEURS DIRIGEANTS...

L'Observatoire de la réputation, qu'anime Jean-Pierre Piotet, publie ses résultats sur la bonne et ... moins bonne réputation des entreprises du CAC 40 et de leurs dirigeants. Et certains de ces résultats m'étonnent un peu ... même si je les comprends ! Il est vrai que je ne trouve nulle part (mais j'ai peut-être mal cherché) le nombre de personnes qui ont "voté" et leur typologie...J'ajoute que je ne connais personnellement aucun de ces dirigeants (sauf un) !

Que Danone et Franck Riboud soient très bien classés, je comprends.  Que France Telecom ou la Société générale continuent à payer les problèmes antérieurs aussi ;   qu'Henri Proglio ou Arnaud Lagardère arrivent en queue de liste également ; qu'Essilor et Xavier Fontanet soient hauts dans la liste, je comprends également.

Mais que Bernard Arnault arrive en tête des dirigeants quand on connaît un peu la "dureté" de son management ; ou que L'Oréal soit si bien classée quand on sait  un tant soit peu ce qui se passe à l'intérieur du groupe et la nature même du management interne et des relations.... 

Au fond, ces résultats, pour Arnault d'un côté, pour L'Oréal de l'autre ,  sont probablement le reflet d'une communication intense mais  très "glamour" : l'image et la réussite de LVMH  ( et les belles photos de Bernard Arnault avec son épouse pianiste) tirent, à juste titre, vers le haut  l'image de la "personne" Arnault ; et le remarquable sponsoring cannois et son image de "champion du marketing" tirent celle de l'Oréal,  montrant notamment que la firme n'a pas été éclaboussée par l'affaire Bettencourt/ Bannier et le sponsoring des expositions du photographe ! A noter aussi que, dans les deux cas, ce sont des groupes qui consacrent un pourcentage particulièrement élevé du prix de vente de leurs produits à la pub et à la  com....

Tout cela  devrait finalement plaider  plutôt en faveur de la com. ... ; mais  je sens quand-même un petit clignotant orange s'allumer dans un coin de ma tête !

FRANCK LEPAGE ET SON ADMIRABLE "LANGUE DE BOIS"...

Si vous voulez vous distraire quelques minutes, allez donc regarder l'une des vidéos de Franck Lepage et notamment celle intitulée "La langue de bois"... Elle résume à merveille le vocabulaire largement répandu dans la communication institutionnelle et devrait faire réfléchir tous ceux qui écrivent communiqués de presse, brochures, rapports annuels, avis financiers,  discours de dirigeants etc. etc.

Vous la trouverez sur scopeplave en cliquant sur "la langue de bois" ou bien sur Dailymotion en recherchant Franck Lepage...