Bernard Sananes, l'ancien DG de Euro RSCG C&O et brièvement Dircom d'EDF, après avoir pris la tête de l'institut CSA que contrôle Bolloré vient de créer un cabinet de conseil avec, là aussi, Bolloré à son capital.
J'ai beaucoup d'estime pour les qualités, le talent, l'expérience et le professionnalisme de Bernard Sananés ; et il est parfaitement compétent dans cette nouvelle fonction de "conseil". Mais mais... Peut-on être à la fois sondeur et conseil ... ? Le sondeur, supposé autonome et "indépendant", peut-il aussi réfléchir à la meilleure façon de promouvoir l'image de son client ? Est-ce ou non un "conflit d'intérêt" ?
Il est vrai que, en France, nous sommes coutumiers de ce mélange des genres, y compris dans le groupe Bolloré... :
- tous les sondeurs accompagnent systématiquement leurs sondages de "recommandations" et je trouve cela normal : ils tirent les leçons de leurs enquêtes. Tout comme certains les commentent abondamment dans la presse et sur les antennes.
- certains, comme Giacometti, se situent délibérément dans le domaine du conseil, pour ne pas dire du lobbying pour conserver un terme pudique! Mais, à ma connaissance, le cabinet de Giacometti (qui vient d'ailleurs de s'étoffer dans le conseil) passe des commandes de sondages et ne les réalise pas lui-même. Donc... rien à dire sous cet angle là !
- chez Bolloré, on est déjà partout ; donc on trouve cela tout à fait normal : propriétaire ou actionnaire de medias, agence de pub, régie d'achat d'espace et donc maintenant aussi sondeur et conseil, sans parler de la dimension Afrique du business comme l'a récemment reconnu Jacques Séguéla à propos de leur engagement antérieur auprès de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire.
Il est vrai que Euro RSCG C&0 (et les autres agences du groupe ) sont déjà conseils aussi. Sananés ne fait donc rien d'autre que ce qu'il faisait avant et ce qui est déjà pratiqué dans le Groupe Bolloré. Mais, là, la connection entre sondage et conseil, même si les apparences sont préservées par la création d'une structure différente, est nettement plus directe au travers de la même personne ! La présence de Bolloré dans les sondages franchissait déjà une certaine frontière; celle de Sananés ne fait que l'accentuer.
Je sais bien que, en France, cela ne choque plus grand' monde....Mais, à force de se comporter ainsi, on va finir , comme souvent, à amener le législateur à agir. Et, à ce moment là, on viendra pleurer !
Je lis ce matin que la Commission de Bruxelles considère comme incompatibles les métiers de l'audit et ceux de conseil... Un sondage n'est-il pas, d'une certaine façon, un "audit" de l'opinion ???
Philippe Heymann
Rédigé par : Philippe Heymann | 10 février 2011 à 10:18
Dont acte , Bernard ! Je comprends bien que cela correspond à un vrai projet et à une vraie réflexion sur le métier, ce qui ne m'étonne pas venant de toi. mais ... le débat reste ouvert !
Rédigé par : Philippe Heymann | 09 février 2011 à 20:31
Philippe.Merci sincère pour les mots aimables que tu portes à mon égard.
Je comprends le débat que tu soulèves et que nous pourrions avoir plus longuement(je suis là un peu débordé avec mes nouvelles fonctions).Je ne partage évidemment pas ton point de vue mais à ce stade je voulais simplement rectifier le point de départ qui ne me semble pas être juste. Si j'ai décidé de créer une structure de conseil, c'est parce qu'en arrivant dans le métier des études et des sondages, j'ai fait un constat partagé avec beaucoup d'acteurs du secteur.Il faut redonner de la valeur au métier des études pour ne pas qu'il devienne une "commoditie".POur cela deux objectifs, renforcer l'analyse (faire parler les chiffres) et aller vers le conseil. C'est donc à partir d'un projet pour le métier des études que je construis cette tentative d'aller "des études au conseil."
Bien à toi.Bs
Rédigé par : Bernard Sananes | 09 février 2011 à 17:45