Le weblog de Philippe Heymann

LA COMMUNICATION INTERNE N'EN EST QU'A SES DEBUTS....

Je reprends le fil de mon blog sur un sujet qui m'est cher... : la communication interne. C'est d'ailleurs sur ce même sujet que je me suis arrêté fin juillet ! Et je conseille à tous de lire l'excellente tribune de Jean-Marie Charpentier du 9 septembre sur le site de l'afci sous le titre "le marronnier de la fin de la communication interne"(le site de l'afci)

Son propos :" une certaine communication interne cloisonnée, verrouillée, simple voix de son maître au sein de l’entreprise a sans aucun doute vécu, mais pas le besoin de relation, d’échange et de dialogue entre les acteurs, tant managers que salariés" et il poursuit notamment : "le besoin de faire société en entreprise n'a jamais été aussi fort aujourd'hui".

Comme lui, je constate que tellement d'entreprises (heureusement pas toutes !) sont convaincues de bien faire tout simplement parce qu'elles ont mis en place tous les "outils" nécessaires : magazines, webzines, intranets, conventions etc etc alors que le problème ne se situe plus là ; il est clairement au niveau du "vivre ensemble" et en phase avec la société. Dès lors, il dépasse, c'est vrai, la com. interne pour toucher aux RH, à la formation des managers et leurs critères de choix, au mode de management et d'organisation... bref, un vrai problème de DG et de président !

LA COM. INTERNE : PRIORITE DES PRIORITÉS !

Si l'on veut vraiment sortir les entreprises ( et toutes les organisations !) de la morosité et des tensions internes qui les paralysent souvent et  si l'on veut,  en même temps, renforcer leur compétitivité, la communication interne doit venir la priorité des priorités. La pub c'est bien, le marketing aussi mais...

Et tout le monde doit s'y atteler : patrons, DRH, Dircom  managers de tous niveaux etc

Trop d'entreprises pensent qu'elles font tout à fait ce qu'il faut dans la mesure où elles ont mis en place toute la batterie des outils : magazines, newsletters,  webzines, sites internes plus ou moins collaboratifs, réunions de tous types, événements internes divers etc. Or, face aux problèmes actuels, le problème est bien souvent ailleurs : il est "managerial" et culturel ; et les progrès passent par une évolution profonde ( une révolution même) dans les rapports entre les personnes , entre les managers de tous niveaux et leurs équipes. Et cela ne peut se réaliser sans des transformations profondes initiées ( et mises en pratique !!!) par le patron lui-même et le comité de direction !

Deux excellents documents viennent de sortir et permettent de bien réfléchir sur tout cela :

+ le dernier numéro des Cahiers de la communication interne ( n°36) publiés par l'afci consacre un très bon dossier à "Faire société en entreprise"... Un beau programme ! Quelques citations au fil des pages " On peut trouver les bonnes questions à se poser dans une situation d'incompréhension en faisant crédit à l'autre qu'il a ses raisons que notre raison ignore". Ou encore : "L'entreprise doit changer et peut changer. Mais cela suppose aussi que celles et ceux qui la font vivre changent.Et aussi : " au coeur de l'efficience moderne du travail, on trouve la compréhension réciproque, l'intercompréhension" etc. A consulter ... et méditer impérativement !

+ un opuscule publié par l'agence Angie sur le thème : " Petites convictions sur la communication interne". On y retrouve évidemment l'un des credo de son patron, Eric Camel : " le patron est le premier média interne"... Voir aussi, en particulier,  les quelques exemples décrits : Air Liquide, Danone, KPMG, LVMH , MMA  etc.

Dans le même esprit, voir  évidemment le Carnet de la communication n°9, publié sous les auspices de l'afci et rédigé par Grégory Metaireau et Michel Slimani : " Votre équipe, l'animer, l'informer, la motiver" . (www.carnetsdecom.com).

Un sacré programme de travail mais... vital !

LE METIER DE DIRCOM RESSEMBLE DE PLUS EN PLUS A CELUI D'UN DIRECTEUR DE REDACTION !

"L'organisation en question", c'est le titre d'un très bon papier de Cathy Leitus dans le dernier numéro de Stratégies. Elle recense notamment, du fait du Digital, trois tendances-type d'organisations pour les directions de la communication des entreprises importantes :

1- la logique média/canal/contenus avec un pôle produisant les contenus et un autre leurs déclinaisons(formats, cibles etc.);

2-Fonction support au service des métiers, c'est à dire une organisation très orientée vers les clients internes;

3- Les stratégies d'opinion pour cibles avec un expert par sujet ou par partie prenante.

Au total, l'invasion du Digital, en interne et en externe, fait de plus en plus ressembler la fonction de Dircom à celle d'un Directeur de rédaction d'un grand media :

- il lui faut évidemment gérer et répartir des équipes, des moyens et des budgets,

- il lui faut définir une "ligne éditoriale" (la stratégie de com.), la tonalité et  le style ( le discours de l'entreprise), faire respecter un corpus déontologique ( les valeurs de l'entreprise),

- il lui faut désormais aussi gérer et arbitrer des contenus en temps réel, les hiérarchiser , les répartir entre les media à sa disposition,

- et, évidemment et de plus en plus, gérer des crises proches ou lointaines...

On comprend encore mieux que d'anciens journalistes aient réussi dans la com ; mais, un jour prochain, ce sont des Dircom qui vont passer vers les media...

PROGRAMMATIQUE, RTB & CO...: NOUVEAU JARGON, NOUVEAU METIER ET...BELLE PAGAILLE !

Programmatique..., vous savez évidemment ce que c'est ! D'autant que Stratégies lui a consacré récemment un numéro spécial très complet. En synthèse, ce mode de vente de l'espace publicitaire internet "permet d'atteindre une audience précise à un moment précis grâce à des algorithmes brassant une foule de données de toutes natures". Bref, ... le rêve de tout annonceur ! Et cela se passe de plus en plus en RTB..., comprenez Real Time Bidding : une vente aux enchères entre annonceurs en temps réel ; ainsi, vous  pouvez acheter un espace où transmettre votre message  adapté en temps réel au moment précis où un internaute se présente sur la page d'un site ; et le tout se passe en une toute petite fraction de seconde, depuis l'achat de l'espace jusqu'à la diffusion du message à l'unité en passant par la transmission du message ad hoc !

Il est vrai que les Français et bon nombre de nos  start-up ( mais aussi des déjà gros comme Criteo) sont particulièrement forts en algorithmes et process de ce type. Résultat : face à ce rêve d'annonceur, c'est... la foire d'empoigne ! Et on ne sait plus très bien qui fait quoi, qui vend quoi, quoi vend qui ...etc ?

Et, pour tout arranger, la loi Sapin qui avait fort heureusement installé le transparence dans l'achat d'espace n'est pas du tout adaptée ( ni même vraiment applicable !) à cette nouvelle activité.

Certes, pour l'instant, le "programmatique" ne représente encore que 10 à 40 % des dépenses numériques totales qui, elles-mêmes, n'ont pas encore atteint leur maturité même si elles progressent très vite ! Qu'on aime ou qu'on aime pas ,  cela va se développer ! Et cela pose évidemment à nouveau le fameux débat sur les "données personnelles et comportementales" de chacun.... Bref, encore un nouveau défi pour la profession !

PAS D'INNOVATION SANS...COMMUNICATION !

L'Innovation est désormais partout et dans toutes les bouches et tous les discours. Et tout le monde s'en empare, banques comprises : la BPI en a fait son cheval de bataille, la Bnp Paribas a lancé ses " pôles d'innovation" etc etc.

Tout cela est bien et on ne peut que s'en féliciter ! A condition de ne pas oublier, là aussi, qu'il n'y a pas d'innovation réussie sans... Communication !

A ce titre, Sylvie Brémond Mookherjee publie un remarquable Carnet de la Communication sur le thème : " L'Innovation, la manager et développer la creativité". Elle sait de quoi elle parle car elle a dirigé la com de l'innovation chez France Télécom/Orange puis chez L'Oreal... Et c'est bourré d'exemples et de conseils pratiques.

A ne pas rater pour le Innovateurs et ....les autres ! (Voir www.carnetsdecom.com )

ET VOILA QUE "L'INFLUENCE" DEVIENT UNE "NOUVELLE" SCIENCE....

A grands renforts de "flon-flons", deux éminents chercheurs, accompagnés par une pléiade de co-auteurs tous plus que qualifiés, viennent de publier  aux Editions Lavauzelle un ouvrage intitulé "Influentia"; ils ont même créé un site web spécial pour accompagner cela... Il est vrai que "l'influence" est à la mode : la plupart des agences de RP la revendique car c'est un moyen d'"oublier" le terme RP qui était longtemps mal considéré en France et  surtout d'englober la fonction Digitale.

Quand on regarde ce qu'ils mettent dans le terme de communication d"'influence", on trouve l'évolution des comportements, des opinions, la gestion de crise etc, bref presque tout hors  la vente de produits. C'est bien ! Et c'est une bonne chose que des travaux de réflexion soient développés sur tous ces sujets... Mais...

Mais de là à considérer ces approches comme nouvelles... C'est oublier un peu vite ce qu'ont fait notamment les agences corporate dès les années 90. Il n'est pas inutile non plus de se replonger dans l'excellent ouvrage que Jean-Marc Benoit avait consacré, à la demande du SIG,  aux 50 meilleures campagnes gouvernementales sour le titre "Bleu, Blanc,...Pub". C'est oublier un peu vite par exemple toutes les campagnes et actions Sécurité Routière ou de l'ex-CFES ( devenu INPES) pour la santé, ou les changements de numérotations téléphoniques de France Télécom, le passage à l'euro, les anciens recensements de l'INSEE ou les campagnes pour des élections prudhommales par exemple ou celles des organismes sociaux ( CNAM, CNAF, Retraites etc). Tout cela avait bien pour objectif de "faire évoluer les comportements"...

Certes, dans ces moments là, il n'y avait pas encore le Digital. Mais un peu de mémoire, ce n'est pas mal non plus pour "habiller" les nouveautés à la mode !

DANS LES MAGAZINES, LES POLITIQUES NE FONT PLUS VENDRE ET LES "MARRONNIERS" VIEILLISSENT !

Très intéressante analyse faite par Le Monde des "unes"   sur un an des cinq principaux news magazines et de leurs effets sur les ventes au numéro....

Ce que j'en retiens surtout :

- les unes avec des hommes politiques font moins vendre qu'avant ; c'est bien le reflet du désenchantement des Français par rapport à l'action publique,

- de plus en plus de sujets "froids" depuis "les médicaments qui guérissent" jusqu'aux "derniers jours d'Hitler; cela représente désormais un bon 20% des couvertures, 30% même pour L'Express,

- les sujets "magazine" sont nettement plus présents : santé, psychologie, burn-out, grand portrait d'artiste ou d'intellectuel, philosophie même...

- les bons vieux "marronniers" s'essoufflent et certains disparaissent ou se font plus rares ( les francs-maçons par exemple !); L'Express n'a gardé que l'immobilier deux fois par an et le classement des hôpitaux...

Bref, c'est normal, chacun cherche son nouveau souffle ; les magazines eux-mêmes ont à faire face à la montée des enquêtes d'investigation en ligne ( type Mediapart) ou dans les quotidiens qui essayent de plus en plus de "sortir" des affaires. Pour un magazine généraliste, la clef reste bien la recherche permanente du "bon sujet" et du "bon angle"...

LES COMMUNICANTS SONT-ILS LES RESPONSABLES DES "DERAPAGES" ... ?

 Dans le dernier numéro de Paris Match, la journaliste Elise Lucet ( son émission "Cash investigation" réunit en moyenne 3 millions de téléspectateurs !) déclare avec  force : "depuis dix ans, les communicants ont pris le pouvoir absolument partout ! Les journalistes doivent faire attention".

Certes ! Mais cela semble à l'ancien journaliste  puis communicant que je suis ... un peu court car :

1- les "communicants" dont elle parle  n'ont jamais eu vraiment le pouvoir ;  c'est d'abord leur boss qui le détient,

2- les "communicants", en l'occurence, ne font  rien d'autre que leur métier et ne font que s'adapter aux besoins et modes de travail des media et nouveaux media  eux-mêmes; c'est nettement exagéré de leur mettre sur le dos les dérapages de plus en plus nombreux...

3- oui, les journalistes doivent "faire attention" comme elle le dit et doivent être formés en conséquence. C'est  l'accélération de la concurrence et  le rythme de plus en plus en temps réel des media qui finissent par créer problème. On l'a bien vu au moment de l'attentat Charlie Hebdo ou, ensuite, l'annonce erronée par l'AFP de la mort de Martin Bouygues...

Alors ? Du boulot  dans les rédactions ( à condition que les patrons de media le leur permettent !) et lors de la formation des futurs journalistes !

LES COOC POUSSENT LA PORTE DES ENTREPRISES....MAIS....

Les COOC ( lire Corporate Open Online Courses) - la version "entreprise" des MOOC des universités et écoles -  gagnent l'univers des entreprises et des DRH et responsables de formation. On en voit bien l'intérêt pour les entreprises ayant un personnel nombreux et géographiquement éclaté. Les Orange, Renault, SFR, Pernod Ricard et d'autres s'y sont mises. Et on commence aussi à trouver des SPOC, " Small Private Online Courses", la version formation en ligne à accès plus restreint pour une trentaine de participants et avec un animateur.

Voilà donc une nouvelle petite (ou grande !) révolution dans l'entreprise. Plutôt positive à deux conditions, me semble-t-il :

+ que le lien soit nettement plus étroit qu'aujourd'hui entre la formation et la communication interne, pour ne pas dire la communication en général. Car on sent bien que la ligne de démarcation devient là de plus en plus ténue; on est bien dans l'univers des "contenus"....

+ que l'on mette d'urgence en place une "nouvelle" politique d'envergure de réhumanisation des rapports personnels dans l'entreprise et d'"événements" à réinventer. Je ne reviens pas sur l'histoire bien connue (et permanente !) de celui qui envoie un mail à son voisin de bureau... Mais, puisque l'on parle de formation, souvenons-nous que les stages et séjours de formation jouent un très grand rôle pour la création de liens transversaux et informels entre les gens ; pour beaucoup d'entre eux, c'est leur seul moment d'échange avec des collègues d'un autre département de l'entreprise  ou... d'un autre pays. Et ces réseaux informels permettent souvent  de compenser le "travail en silos"....

A suivre donc de très près...

LES VOTES DOUBLES CHEZ RENAULT ET LES AUTRES : BIEN AU-DELÀ D'UNE AFFAIRE DE COMMUNICATION FINANCIERE..

Derrière la bataille que mène à juste titre le gouvernement ( voir aussi la récente tribune vigoureuse d' Emmanuel Macron dans Le Monde) sur le vote double pour les actions conservées plus de deux ans, il y a , à l'origine, un problème de communication financière....

La législation boursière française ( et celle d'autres pays) oblige les entreprises cotées à publier des résultats trimestriels...Et, depuis longtemps, j'entends la plupart des patrons du CAC 40 ( Bébear en tête à l'époque !) s'en plaindre. Car, s'ils veulent éviter la spéculation excessive sur leurs titres, il leur faut veiller à ce que leurs résultats "à trois mois" soient recevables. Et, dès lors, pas question d'entamer des réformes ou des investissements de fond et de compétitivité qui, dans un premier temps, risquent de diminuer leurs résultats car ne pouvant produire des effets que dans la durée.

D'où la solution adoptée par de nombreux pays de privilégier les actionnaires qui s'engagent à garder leurs actions dans la durée, en l'occurence deux ans ! Et c'est ce que permet la loi française... à condition que cela ne soit pas refusé par l'assemblée générale de la société. D'où l'offensive de l'Etat chez Renault...

La bataille du gouvernement est donc totalement justifiée, même si, dans le passé, il n'a pas toujours cherché à y jouer son rôle d'actionnaire important. Et , dans l'hostilité de Carlos Ghosn sur ce projet, on en arrive à se demander si, de fait, celui-ci ne cherche  à protéger en premier lieu son pouvoir personnel et, plus encore, ses rémunérations qui sont les plus élevées des patrons français, d'autant qu'il les cumule ( et les double !) avec celles qu'il perçoit de Nissan...