Le weblog de Philippe Heymann

LA SECURITE ROUTIERE ET LOWE STRATEUS ONT DE NOUVEAU "OSE" : BRAVO !

Après le joli coup de Lagerleld et le gilet jaune, puis le film "insoutenable", la Sécrité Routière et son agence Lowe Strateus osent à nouveau un joli coup : des quatre pages dans la presse quotidienne qui  jouent à fond la carte pédagogique sur le thème "les radars sauvent des vies, la preuve"...

Pas une photo, pas un visuel ! Mais, sur 4 pages, uniquement du texte, des chiffres , des graphiques, des idées reçues...mais remarquablement valorisés et mis en page ! Moi qui déteste les pub bavardes, j'ai marché à fond ! Je suis entré, j'ai continué, j'ai tout lu et ... cela m'a effectivement fait réflechir... !

Je repense à une interview récente  dans Stratégies des deux dirigeants de Euro BETC qui, courageusement, reconnaissaient que 90% des pub actuelles sont "vides" et du genre ineptes (le mot est de moi car j'ai oublié le leur mais c'est du même genre). Et ils admettaient aussi que, avant le JT de 20 h sur TF1, il est fréquent que la plupart des spots sortent de chez eux. Mais , une fois ce beau discours tenu, leur "proposition de solution" est un peu short : créativité, créativité, créativité disent-ils ! En l'occurence, la Sécurité Routière et leur confrère Lowe leur donnent une belle leçon.... de créativité !

APRES KERVIEL, LA CRISE ET LE RESTE, LA SOCIETE GENERALE BAISSE LE POUCE ET....

Je n'aimais pas du tout les campagnes de la Société Générale avec "le pouce", et je l'ai dit à plusieurs reprises. La voilà qui jette le pouce pour passer au thème de "l'esprit d'équipe" dans une nouvelle campagne signée Fred & Farid

Voilà au moins un thème attachant : "développons ensemble l'esprit d'équipe", même si c'est un peu bateau et pas vraiment différenciant.

Ce qui me frappe surtout , c'est la difficulté qu'ont toutes nos banques à remettre en question le fond même de leur communication suite aux bouleversements profonds de ces dernières années. Ce n'est certes pas une tâche simple et leurs dircom n'ont peut-être pas complètement les coudées franches.

Même Stratégies, logiquement plutôt bienveillant à l'égard de la pub en général, remarque : "la promesse de la Société Générale peut ainsi sembler pour le moins inopportune alors que le 17 mars, la presse économique révélait que Frédéric Oudéa, son PDG, obtenait son premier bonus depuis l'affaire Kerviel, touchant ainsi 1,75 millions d'euros, dont 600 000 euros  de bonus, pour l'année 2010".... Oui, développons ensemble l'esprit d'équipe !

LES COMMUNICANTS PUBLICS TRAVAILLENT LA COM INTERNE

Remarquable réunion, vendredi dernier, de Communication Publique sur le thème de la Communication Interne. Vaste sujet ...Et, en particulier, deux excellentes interventions : celle de la DRH du Conseil Général du Loir et Cher qui a mené un travail passionnant et celle d'Aurélie Renard, la déléguée générale de l'AFCI (Association française de communication interne).

Quelques éléments-clef entendus au fil des travaux :

- la communication "managériale" (celle conduite par les managers de proximité)  est déterminante . Sa qualité passe par la formation au management en général et par les outils dont on les dote.

- dans toute action de com. interne, le soutien du "patron" (public ou privé) et de la hiérarchie est essentiel.

- pour communiquer efficacement, il faut, auparavant, apporter le preuve de ce que l'on va avancer,

- tout doit concourir à "donner du sens",

- il faut aussi apprendre à chaque équipe à communiquer à l'intérieur d'elle-même et avec les autres équipes,

- l'une des grandes difficultés actuelles est la rupture croissante entre le top management et les managers de proximité....

- tout doit s'insérer dans une conduite du changement; et celle-ci n' est jamais une ligne droite de A à B  mais un mouvement permanent à rythmes variables et diversifiés.

Bref... du pain sur la planche ! 

LE TOUR DU MONDE DE LA FAMILLE COLAS : L'HUMANITAIRE TROP EXPOSE ME REND PERPLEXE !

Sous le titre "le tour du monde en 80 000 amis", le dernier numéro de Stratégies (n°1625 du 17/03/2011) consacre un article de deux pleines pages au tour du monde humanitaire que va entreprendre  un couple de brillants "publicitaires" avec leur fille : Frédéric Collas, vice-président de Fullsix, et Estelle, directrice associée de BETC.

Sur le fond, rien à dire et même  bravo ! Ils prennent une année sabbatique pour faire un tour du monde  et se donnent pour objectif, en route, de contribuer au financement d'une école au Burkina Faso pour environ 80 000 dollars.  Et ils mobilisent leurs "amis"  Facebook et autres (Fullsix est un des "majors" des réseaux sociaux) pour collecter les fonds nécessaires . Bravo encore ! Et pour chaque dollar souscrit, ils verseront eux-mêmes un dollar !

Mais les choses vont plus loin : pour chaque nuit hébergée, ils verseront 50 dollars...Sauf à avoir mal compris,  voila donc la nuit pour trois personnes qui ne leur coûtera que 50 dollars pour, estiment-ils, 200 nuits ! Certes, ils n'avaient peut- être pas l'intention de dormir chaque nuit à trois dans des 5 étoiles. De là à dire que leur tour du monde ne leur coûtera, à eux,  qu'environ 16 dollars par nuit et par personne...Bravo !

Ce qui me rend encore plus perplexe, en fait, c'est justement cet article de deux pages dans notre principal magazine professionnel ! Qu'ont-ils besoin de se faire valoir de la sorte et d'en faire un quasi-projet "professionnel" ...: appliquer des "méthodes marketing efficaces, éprouvées auprès de nos clients, pour que la cause que nous défendons aboutisse"... Je me doute qu'ils vont me répondre que ce genre d'article contribue à réunir les 80 000 recherchés. Mais ils me font penser à un certain nombre de professionnels hautement payés et   par ailleurs de talent qui ont besoin de se montrer et, en même temps, de se donner publiquement bonne conscience   face aux projets qu'ils développent à longueur d'année pour leurs clients. Je préférerais , d'une certaine façon, qu'ils fassent en paix leur tour du monde avec leur fille et que, le reste de l'année, ils aillent le soir et le week-end, comme d'autres le font,  bosser bénévolement pour aider des associations à collecter leurs fonds et rassembler 80 000 dollars...

En résumé, bravo à eux mais ... un peu de discrétion de grâce !

POUR LES SALARIES, LE BESOIN DE RECONNAISSANCE ARRIVE TOUT DE SUITE DERRIERE LE SALAIRE ...

La dernière enquête réalisée par Ipsos et Logica pour Altedia et Les Echos ne fait que le confirmer : en termes d'attente des salariés, l'augmentation de salaire comme facteur de motivation arrive  certes en tête avec 76% de citations ; mais "une plus grande reconnaissance de vos efforts" vient tout de suite derrière avec 48% de citations, ce qui est beaucoup , pratiquement un salarié sur deux ! Et avant même les perspectives d'évolution professionnelle (44%). Et cela vaut aussi bien pour le privé que pour  le public.

La "reconnaissance", on en entendait pas mal parler il y a dix , quinze ans, tout comme l'appartenance à l'entreprise. Et puis, peu à peu, les dirigeants ont eu  le sentiment d'avoir mis en place tous les outils nécessaires et  cela s'est estompé... en oubliant que la "reconnaissance" n'est pas vraiment une affaire d'outils mais ... de comportement !

Qui plus est, avec la mondialisation de nos grandes entreprises, on a de plus en plus considéré que la com. interne était du ressort du management local, dédouanant ainsi largement les directions générales d'une réflexion permanente sur le sujet.

Les exemples abondent malheureusement dans l'actualité récente : les propos de M. Lombard à la tête de France Télécom ou sa récupération finalement ratée comme "conseiller-salarié" à 500 K€ par an, l'affaire des trois cadres licenciés de Renault, les parachutes dorés de certains ou même les contrats de M. Banier à l'Oréal... Tout cela parait bien loin de la "reconnaissance" ... Et pourtant, et pourtant ... chacun de ces faits  constitue une sorte de "signal" supplémentaire  de non-reconnaissance de l'ensemble des salariés et accentue la plaie, une sorte d'"amour déçu"... Dans le même sondage, 35% des salariés  - donc nettement plus qu'une minorité -  considèrent la rémunération de leurs dirigeants excessive.

Il serait grand temps que l'on mène une réflexion approfondie sur le sujet !

GALLIANO, QUICK, L'OREAL, NESTLE, MAM & CO...: REPUTATION ET E-REPUTATION NE FONT PLUS QU'UN !

Très intéressant dernier numéro de Stratégies (n°1624 du 10/3/2011) dont le thème central est un Dossier RP : les agences à l'heure du 2.0. C'est effectivement une préoccupation majeure actuelle de tous les acteurs des RP ( les "relations publics", comme ils se mettent à dire) et de leur organistion professionnelle Syntec RP que préside Thierry Wellhof.

De tout cela, quelques points - pas tous totalement nouveaux mais importants - ont retenu mon attention :

- il ne faut pas confondre "image" et "réputation" : comme l'explique Jean-Pierre Beaudoin, président d'I&E, la réputation, " c'est la somme des perceptions accumulées par une personne sur un sujet au fil du temps et qui sont disponibles dans sa mémoire" ; l'image, en revanche, c'est "du présent qui va alimenter une mémoire thémathique et une réputation globale", la perception qu'une entreprise veut former ou que le récepteur se forme à propos d'une de ses dimensions à un instant T.

- les attaques font d'autant plus mal qu'elles touchent au coeur du métier : Quick, avec un accident alimentaire, a été touché au coeur de son métier ; de même MAM par certaines de ses déclarations. A l'inverse, Nestlé ,attaqué par Greenpeace sur l'utilisation d'huile de palme contribuant à la déforestation, ou L'Oréal ,sur l'affaire Woerth-Bettencourt, ne le sont pas de la même façon et résistent mieux .

- la rapidité est un élément-clef , ...  à condition de s'appuyer sur une réputation déjà  solide :  Dior, sur l'affaire Galliano, dans des circonstances très particulières (voir ma note antérieure sur le sujet), a pu réagir très vite et avec succès. A l'inverse, sur l'affaire Guerlain, le même groupe avait un peu traîné ! Et, sur Bettencourt-Woerth ou MAM, on s'est largement enferré sur des versions "successives".

- réputation et e-réputation ne font plus qu'un , c'est devenu une banalité : le web crée disponibilité, instantanéité, images immédiates, publics divers et éparpillés etc. Même les journalistes s'approvisionnent maintenant largement sur le web. La e-réputation est donc désormais aussi au coeur du métier des agences RP. Cela n'exclut évidemment nullement que se développent quelques spécialistes ultra-pointus de l'animation des réseaux sociaux  : parfois, ils vont travailler ensemble en complémentarité ; dans d'autres cas, certaines agences de RP deviendront aussi de vrais spécialistes de ces réseaux... Mais, malgré leur volonté et  leurs discours, ce n'est de loin pas encore le cas de toutes...  !

LES VRAIES VALEURS VONT-ELLES GAGNER LES ENTREPRISES...ET PAS SEULEMENT LEUR COM !

Je l'avais lu il y a quelques semaines dans Les Echos et Jean-Marc Vittori y revient longuement dans le dernier numéro d'Enjeux Les Echos sous le titre "La troisième voie du capitalisme". Il résume et commente un article publié dans la Harvard Business Review de janvier-février intitulé "Creating shared value" et écrit par Michael Porter et Mark Kramer. Et cet article est d'une importance capitale pour l'avenir des entreprises et de notre bon vieux système capitaliste un peu "éssouflé"...

Car Mikael Porter n'est pas n'importe qui : il est l'un des gourous actuels du management US; les fidèles de Davos le connaissent bien car il y a sévi bien souvent . Et il prend le contre-pied  de la fameuse école de Chicago, celle de Milton Friedman qui prônait la "shareholder value". Pour Mikael Porter, les entreprises qui réussiront (et donc subsisteront) "durablement" sont celles qui ne se contenteront pas de faire joliment, comme aujourd'hui, de la "Responsabilité Sociale de l'Entreprise" ( la "RSE" ) un bel outil d'image et de communication mais qui iront rapidement vers la "shared value" complète. Bref, celles qui, au lieu de mettre en premier le seul intérêt de l'actionnaire et finalement le court terme tout en enjolivant leur image, chercheront à répondre à la fois aux besoins de tous : l'actionnaire certes mais aussi le consommateur, les salariés, les fournisseurs, la société en général. Et il en donne des exemples parlants chez Walmart (pourtant très exposé ces dernières années, à moins que, justement, cela l'ait amené à "comprendre"...), Johnson & Johnson, Nespresso et ses planteurs de café etc.

Pour certains, c'est là une banalité : qui peut nier que des collaborateurs en bonne forme morale et physique, confiants  et motivés seront plus "productifs" et sensibles à l'avenir de leur entreprise ? Mais, par les temps qui courent, cela finit presque par devenir une exception. Les jeunes qui entrent dans les entreprises et ne sont pas encore "résignés" en savent vite quelque chose.

Certes, une hirondelle ne fait pas... Mais Porter n'est pas n'importe qui. Et d'autres que lui en sont bien conscients; souvenons-nous  de certains propos de Claude Bébéar, qui n'est pourtant pas un "révolutionnaire" ,  soulignant les aspects néfastes de la "dictature" des résultats trimestriels; et il y en a heureusement quelques autres. Bref, va-t-on réussir à dépasser le "green-washing",  le "social-washing" et tous les autres simili-washings actuels ?

Cela prendra du temps mais si le grain de sable est semé..., peut-être pourra-t-on donner un nouveau souffle à un système où "le capitalisme est assiégé" comme dit Porter et où l'entreprise retrouvera une place dont on pourra être fier !

JOHN GALLIANO ET DIOR : ETHIQUE, COM. OU ... MANAGEMENT ?

Rien ne peut excuser les propos et les comportements de John Galliano, même si le stress croissant et les ingrédients divers absorbés l'ont mis dans un état "hors du commun".

Il reste que la rapidité avec laquelle le groupe Dior (c'est à dire Arnault et LVMH) l'a suspendu puis licencié est pour le moins inhabituelle...

Certes, l'affaire récente Guerlain et ses retombées incitaient à agir vite ! Mais pour ceux qui connaissent la "réactivité" toute relative des cellules de crise des grands groupes et des grandes institutions, on est là devant une réactivité exceptionnelle ! Et je ne suis pas convaincu que la seule "éthique" ou les seules craintes des retombées d'image aient été des moteurs suffisants pour expliquer cette réactivité sans pareille...

Mon interprétation : comme beaucoup de stars arrivées au pinacle, John Galliano vivait dans un stress croissant : il lui  fallait aller toujours plus loin, toujours plus haut ! Au point que , peu à peu, on en devient inmaitrisable, in-"manageable"... Dès lors, le danger est au coin du bois : au premier écart grave - même s'il est inexcusable et impardonnable- on saute sur l'occasion pour mettre fin à une collaboration devenue gênante et ingérable.

Bref,  une affaire d'éthique certes, une affaire de com. certainement, une affaire de management et de business, sans nul doute !