Le weblog de Philippe Heymann

SOCIETE GENERALE ET COMMUNICATION DE CRISE ...

Au-delà des questions de fond déjà évoquées dans une note précédente, l'affaire Société Générale est évidemment un cas spectaculaire de communication de crise. D'ailleurs, la société ne s'y est pas trompée : en plus de ses propres équipes (de grande qualité), elle a mobilisé quelques-uns des meilleurs communicants de la place : son agence habituelle Harrison & Wolf qui connait très bien les problématiques de crise + le cabinet Image 7 de Anne Méaux + l'excellent Jean de Belot.

Deux points me paraissent déjà ici intéressants dans la limite de ce que l'on peut en savoir aujourd'hui , et en sachant que la critique est facile lorsque l'on n'est pas soi-même "en situation":

1- la règle de base des crises est : "ne jamais dire quelquechose qui pourrait s'avérer faux par la suite". S'il s'avérait que certains responsables ou patrons du jeune trader étaient en réalité au courant, m^me si Daniel Bouton ne l'était pas ... la règle n'aurait pas été respectée ; la communication aurait alors été un écran de fumée. En période de crise, à l'heure actuelle, cela ne tient pas longtemps !

2- toute la com a systématiquement enfoncé le jeune trader que le PDG a même qualifié de "escroc" et "terroriste". Ce faisant, ce trader apparait peu à peu à certains au moins autant comme une "victime du système" financier et du fonctionnement des banques : faire gagner de plus en plus, se faire remarquer et arriver à un meilleur bonus.
Pendant ce temps, on n'a guère expliqué en détail pourquoi il fallait absolument déboucler les 50 milliards tout de suite quitte à perdre finalement 5 milliards alors que, semble-t-il ,les positions étaient à l'équilibre le vendredi soir. Car l'opinion entend que ce n'est pas le trader qui a fait perdre 5 milliards mais la décision de sortir instantanément de la situation. Ce n'est pas mon métier que de savoir si la décision était la bonne ou pas et on ne peut pas refaire l'histoire ! C'est , en plus, une décision qui a probablement été prise en accord avec le Gouverneur de la Banque de France; je sais aussi que, lorsque la décision a été prise, personne ne s'attendait à une perte de ce montant (mais cela fait bien partie du métier de banquier !). Mais les lundi, mardi et mercredi, quand les communicants ont travaillé, ils savaient bien que la perte montait, montait...Ils ont pourtant maintenu le scénario "jeune trader" sans vraiment expliquer ou faire la pédagogie du "pourquoi il fallait vraiment agir ainsi"...

Je suis notamment convaincu que, en communication de crise, il faut certes eteindre au mieux l'incendie mais qu'il faut simultanément prendre un compte l'image à long terme de l'entreprise. C'est parfois un peu le défaut de certains conseillers en com de crise ou en RP !

Mais on aura certainement l'occasion d'en reparler !

DAVOS , LE TEMPLE MÉDIATIQUE

"Davos", comme on dit maintenant, vient de se terminer... Elles sont loin les années 70 où nous n'y étions que 4 ou 500 participants, puis 800, puis 1000 et, maintenant, quelque 2000. Et, en plus, très peu de Français car nos patrons ne parlaient guère anglais et avaient peur de ne pas être instantanément "reconnus" au milieu de tous leurs homologues !
J'en connais bien les rouages pour y avoir été souvent avec de multiples casquettes : journaliste, intervenant, conseil du Symposium etc. Et j'ai toujours admiré le fantastique dynamisme et sens de l'anticipation de Klaus Schwab, y compris lorsque ses fidèles se répandaient dans les couloirs et sur les pistes pour suggérer que l'on pourrait quand-même bien lui donner le prix Nobel de la paix !

Cela dit, je doute que, en termes de contacts, et à 2000 maintenant, on puisse faire mieux que s'échanger des cartes de visites et monter (en s'y prenant à temps !) quelques RV privés. En revanche, si l'on veut " sentir battre le monde", c'est un bain formidable.

Surtout, Davos est devenu l'une des plus importantes caisses de résonance collectives internationales, presque plus que des AG de l'ONU, de la Banque Mondiale ou du FMI. La France, sous l'impulsion de l'AFII, a raison de "l'utiliser" pour promouvoir son image à condtion que, ce jour là, la Société Générale ne vienne pas tout gâcher ! Cet investissement là, cette année, il va falloir le passer en pertes et profits !

LA SOCIETE GENERALE ET LE SCANDALE DE LA NON-DEMISSION DE SON PRESIDENT

Je connais Daniel Bouton et j'ai mené une mission pour lui il y a quelques années. C'est, à ma connaissance, un homme de grande valeur, d'une honnêteté absolue , l'un des plus grands dirigeants de banque et je l'admire énormément. Et je trouve bien, normal et sain qu'il ait instantanément proposé sa démission à son conseil d'Administration...

En revanche, je trouve que le vrai scandale est que ce Conseil l'ait refusée !, le tout avec la bénédiction du Présidentde l'Autorité des Marchés Financiers et du Gouverneur de la Banque de France. Et cela me semble bien caractéristique du "mal français". Non pas que Daniel Bouton soit directement responsable de tout cela mais :

1- en tant que manager suprême, il est responsable de la nature des systèmes de contrôle; qu'un collaborateur puisse engager la banque pour 50 milliards même s'il est un génie de l'informatique pose quand-même problème,

2- la SG est l'un des spécialistes mondiaux des "produits dérivés"; ce n'est pas l'effet du hasard mais d'un choix stratégique avec tous ses risques... Quand cela tourne mal, il faut assumer !

3- tout cela aboutit à faire oublier les quelque 2 milliards perdus sur les sub-primes ; or, cela seul, déjà, à la taille de la Générale, aurait du poser problème pour le Président (cf les démissions aux US ou en GB),

4- les deux, additionnés, font aujourd'hui de la SG une société Opéable; c'est clairement une responsabilité de Président,
etc

Or, les grands dirigeants et Madame Parisot passent leur temps, ces temps ci, à expliquer à l'opinion que le niveau élevé de leurs rémunérations, stocks options et parachutes se justifient par le risque personnel qu'ils prennent ! OK mais... quand le risque arrive....Que le Conseil ait considéré que Bouton était le plus qualifié techniquement pour gérer la crise, probablement. Mais, c'est quand-même dur à avaler ! J'ai connu des temps où un fameux président de grande banque française se faisait débarquer par son Conseil parce qu'il avait lancé une OPA (qu'il a perdue) sans prévenir ce Conseil et cela n'avait de loin pas couté des sommes pareilles ! Peut-être, aujourd'hui, un certain nombre des membres du Conseil songeaient-ils à leur propre fauteuil en pareil cas...; le fameux "je te tiens, tu me tiens par la barbichette"...

Alors... foin de rapports Attali aux 300 mesures ! Foin de grands discours sur "la France manque de grosses PME et de belles gazelles ; comment en susciter plus ?" etc etc.

Comment les Français (petits actionnaires, salariés, jeunes etc) peuvent-ils vraiment aimer les entreprises et leur faire confiance si Bouton ou un autre reste à son poste en pareille situation , queles que soient ses qualités personnelles ? Cela réveille instantanément la réaction du genre "une fois de plus, ils font leur cuisine entre eux" ! Comment peut-on "libérer" le pays du poids accru, croissant et "paralysant" de ses "réseaux" ? C'est cela, pour moi, la vraie question. Et c'est pour cela que la non démission de Daniel Bouton est un "signe" fort lancé à l'opinion et un choix grave et symboliquement catastrophique pour l'avenir du pays. Et voilà un cas où, s'il voulait être cohérent et cru dans sa volonté de réformer la France, le Président de la République aurait du publiquement exiger cette démission.

COMMUNIQUER POUR REFORMER, UNE EVIDENCE MAIS ...

Remarquable débat ce matin à l'Assemblée natyionale sur la communication gouvernementale, à l'iniative de l'AACC Corporate et du SIG. A la tribune, d'excellents intervenants : 2 anciens patrons du SIG (Candiard et de Bernardi), un représentant des agences (Robert Zarader), un sondeur (Stéphane Rozés, le patron de CSA) et,surtout, le passionnant Claude Evin auquel on doit, avec son équipe de l'époque, les premières com sur le SIDA, la loi sur la pub tabac etc. le tout très très bien animé par François Lenglet d'Enjeux-Les Echos.

Je reviendrai certainement à plusieurs reprises sur ce débat tellement il a été riche, beaucoup plus riche que bien d'autres débats antérieurs de ce type. Mais quelques premiers "consensus" m'ont nettement frappé :

1- tout le monde admet clairement aujourd'hui que, pour réformer, il faut communiquer. Ce point , pourtant évident, est un acquis récent. Certains, il y a quelques années encore, s'interrogeaient pour savoir si l'Etat (et le gouvernement) avait vraiment le droit d'utiliser l'argent public pour communiquer sur un projet non encore voté. L'exemple récent, le plus éclatant et réussi, est celui du "grenelle de l'environnement" !

2- dans ce cas, la communication doit être intégrée très en amont dans la préparation même de la décision, ce qui suppose l'implication personnelle forte des politiques. C'est en bonne voie mais ... on peut encore faire beaucoup mieux !

3- plus le vrai objectif est clair, meilleure pourra être la communication ainsi que le travail des agences ! Une évidence aussi mais pas toujours présente... Cela nécessite en particulier des Ministres qui n'ont pas peur de prendre des risques ! Et que l'on dise cairement si l'on souhaite surtout valoriser le Ministre lui-même ou faire évoluer les attitudes sur le sujet concerné...

4- sur certains sujets, la communication doit être de durée longue, très longue (exemple : le tabac, la sécurité routière, les retraites etc). Trop souvent encore on démarre une com sur un sujet puis, deux après, le ministre a changé et ... tout s'arrête !

5- la question d'actualité à 1 000 euros : comment concilier l'annonce claire et nette d'une décision politique et la communication sur l'ouverture d'un dialogue ?

A tout cela (sauf peut-être sur le dernier point !), le SIG notamment veille en permanence. Mais... il n'est pas "décideur politique" !

PS : il y avait aussi une excellente exposition sur les campagnes publiques. Espérons que, au-delà d'aujourd'hui, on pourra la retrouver ailleurs et plus longtemps !

LES MEDIA SONT AU BUREAU....

KR Media vient de publier une étude concernant la consommation des media réalisée à partir d'un questionnaire en ligne auprès de 700 actifs de 16 à 60 ans toutes catégories. Même s'il ne faut pas aller trop vite dans les leçons à en tirer, c'est très intéressant.
Ainsi :
- 96% des salariés consomment des médias dans le cadre de l'entreprise,
- 42% déclarent être en contact avec les médias au sens large au moins une fois dans la journée,
- les actifs déclarent, en moyenne, 12 contacts multi-media dans une journée sur le lieu de travail.

Quelques précautions quand-même pour "décoder" :

- KR Media est une centrale d'achat d'espace et une plutôt très bonne. Mais, comme les autres, son business est aussi d'acheter de l'espace "internet"; et la rémunération des centrales sur tout ce qui est internet et très très supérieure à celle sur les media "classiques". De plus, pour tout ce qui est contenu internet, TV et MM, les centrales d'achat s'efforcent de plus en plus de prendre en charge les contenus y compris les programmes courts en TV, se substituant ainsi aux agences ! Donc....

- l'étude parle consultation des media et non exposition à la publicité. Cela veut dire que lorsque je consulte du bureau par internet le solde de mon compte bancaire ou le prix du baril ou de l'or ou le dernier cours boursier de mon entreprise, c'est comptabilisé comme un contact "multi-media". Ce n'est pas totalement illégitime puisque ces "supports" oubien contribuent à l'image de l'entreprise (la page d'accueil de ma banque) oubien incorporent eux-mêmes de plus en plus de pub. Mais ce n'est quand-même pas tout à fait pareil...

Il reste que le constat se résumant en "les media entrent au bureau" mérite une réflexion approfondie et provoquera moult changements !

Petite remarque quand-même : le responsable de KR Media commente cette enquête en disant que "les marques vont travailler sur la cohérence entre leur communication grand public et leur communication corporate, soit en unifiant leurs messages, soit en jouant la carte de la complémentarité... ".

Ravi que cette étude lui ait permis cette formidable découverte qui est le souci majeur de la plupart des Dircom depuis bien des années !

BONS ET MAUVAIS POINTS AUX GROS DE L'ALIMENTAIRE ET L'ECUREUIL !

Alors que s'annonce la semaine de la Publicité, événement important pour le métier vis à vis de l'opinion, je tombe sur deux "annonces" qui me font réagir :
> gros bons points aux grosses entreprises alimentaires (dont en tête Danone) qui ont décidé (et commencé à mettre effectivement en oeuvre) de ne plus faire de pub dans les émissions destinées aux moins de 12 ans (celles dont 50% au moins de l'audience est - de 12 ans). Bravo ! c'est un signe fort de responsabilité à un moment où nos pays, Europe compris, sont gagnés par l'obésité ! Je m'étonne pourtant que certains publicitaires aient trouvé bon de faire sur ce sujet des commentaires négatifs. Il est vrai qu'ils vont perdre un peu de business car moins de spots à produire et plus de spots sur les programmes "adultes" qui coutent plus cher en achat d'espace ! Mais enfin quand-même ! Il y a bien un moment où l'efficacité doit s'effacer pour partie derrière les "enjeux de société" (je n'ai pas dit les "enjeux de civilisation" !...).

> un gros mauvais point à l'Ecureuil : dans une annonce pleine page de quotidien, signée Ogilvy..., il lance un nouveau "placement" qu'il clame "au rendement global de 17,40%". Certes, rien de mensonger car, en petit en bas, on explique que c'est un placement pour quatre ans et que cela représente donc environ 4,25% par an. Mais enfin quand-même ! On se croirait ramené à la bonne vieille réclame du siècle passé... Je ne nie pas qu'il soit plus efficace et plus accrocheur de dire "globalement 17,4%" mais ...c'est se moquer des gens. Je ne comprends pas qu'un groupe qui se dit responsable et une agence "responsable" aient pu laisser passer cela !

Vive la semaine de la publicité et de la réclame !

AGENDA DU PRÉSIDENT ET COMMUNICATION...D'ENTREPRISE !

L'activité plus que trépidente de Nicolas Sarkozy et la communication (voulue, suscitée ou induite...) par son agenda public et privé me rappelle un constat souvent fait dans les entreprises. Les salariés d'une entreprise en savent plus sur l'activité et ce que fait le Président de la République que sur l'équivalent pour leur propre président de société ou le DG !
Je ne suis pas naîf au point de penser que l'on puisse mettre tout sur la table ! Et il faut certainement éviter les abus majeurs actuels dans les media. Mais ... mais... entre le risque de trop et le pas du tout actuel du côté des entreprises et institutions, il y a de la marge !
Que l'on ne s'étonne pas ensuite si les salariés ont du mal à comprendre ce que font leurs patrons et en quoi ils préparent l'avenir et pourquoi... ils justifient éventuellement leur rémunération !

L'EUROPE DU DRAPEAU OU L'EUROPE DE MA CUISINE ?

La Slovénie assure ce semestre la présidence de l'Europe avant que ce soit le tour de la France. C'est un joli symbôle que ce soit un petit et nouveau pays qui préside !

Sa mission principale sera de mettre en musique les décisions de Lisbonne et de veillet à la mise en place du nouveau Traité. Et cela à un moment où, dans de nombreux pays - et pas seulement les Etats-Unis !- l'isolationisme et le repli sur soi semblent regagner du terrain.

Certains semblent regretter que le nouveau Traité ait fait disparaître des textes les "attributs identitaires" de l'Europe ! Mais le drapeau ou l'hymne n'ont guère besoin de Traité pour faire leur chemin ; et ce n'est pas un texte qui les "imposera" !
Je suis, certes, très attaché en communication à l'importance des signes émis et je l'ai déjà écrit à plusieurs reprises. En l'occurence, il serait , à mes yeux, nettement plus important que chaque citoyen soit conscient de l'omni-présence de l'Europe dans sa cuisine (équipement, matériel, nourriture etc) ou sa voiture ou son salon par exemple. Mais... personne (à commencer par la Commission !) ne s'aventure à communiquer sous cette forme sous prétexte que tout cela n'a rien à voir avec les "politiques européennes" ! Tout juste a-t-on osé, lors du dernier référendum, parler d'Airbus et ... le moment est plutôt mal tombé même si, sur la durée, Airbus est bien une fantastique réussite. Il montre même très bien que, pour réussir l'Europe, il faut, là encore plus qu'ailleurs, mettre en place des mécanismes de "gouvernance" efficaces !
Et, si je prends d' autres sujets, je ne m'inquiète pas : un jour ou l'autre, l'idée s'imposera, lorsque la Russie, les USA et la Chine rafleront tout, d'avoir une équipe olympique "européenne" ! Rien ne sert de brusquer les choses...

Volà pourquoi je pense que, en communication "européenne", je préfère encore l'Europe de ma cuisine à celle du drapeau !

TOUS MES VOEUX POUR UNE COMMUNICATION "DE QUALITÉ" !

A tous ceux et celles qui témoigent de l'intérêt à mon blog, j'adresse des voeux très fidèles et chaleureux.

Puisque, ici, nous traitons de communication corporate et institutionnelle, je souhaite surtout que 2008 soit une année de progrès sur le chemin d'une communication de qualité de la part de tous ceux qui en sont les émetteurs : les gouvernants et politiques, les institutions de tous types, les entrerises et associations de tous genres et toutes tailles, toutes les parties prenantes de la société, les citoyens eux-mêmes évidemment et ... les media !

Si je prends un symbôle d'actualité, je trouve que cela ne démarre pas vraiment bien et cela ... de la faute aux Media !.
Je pense là au bruit fait autour de l'allocution "en direct" du Président Sarkozy pour le 31 Décembre !
Que cela soit plus chaleureux en direct, peut-être, même si c'est plutôt une question de style de celui qui parle !
Que les communicants de l'Elysée cherchent à valoriser cette "différence", certes cela fait partie du jeu !

Mais que les media donnent à cela un tel écho me paraît totalement abusif et le signe fort d'un manque absolu de "distance". Et que l'on ne me dise pas , là-dessus, que les grands media manquent de temps pour décoder l'actualité.... Qui plus est, dans le passé, on se gardait bien de nous dire si les Présidents parlaient en différé ou en direct !

Par pitié, donnons à chaque événement la place qu'il mérite vraiment ; de toute façon, l'actualité ne manque pas et ne manquera pas d'événements !
Bonne année à mes amis et ex-collègues journalistes quand-même !